ANNALES DE CHIMIE, ou Recueil de Mémoires
concernant la Chimie & les Arts qui en dépendent par Guyton,
Lavoisier, Monge, Berthollet, Fourcroy, Adet, Hassenpratz, Seguin, Vauquelin
& Pelletier. Janvier 1793, Tome seizième. A Paris, rue &
Hôtel Serpente. A Londres, chez Joseph de Boffe, Libraire, Gerard
Street n° 7 Soho. 1793
ANNALES DE CHIMIE. R E C U E I L A V E RT I S S E M E N T. LES travaux entrepris par lacadémie des
sciences, daprès les ordres de lassemblée constituante,
pour parvenir à luniformité des poids & mesures, à
la division décimale & à un nouveau systême monétaire,
sont dune telle importance ; elles intéressent si essentiellement
les arts, le commerce, les sciences, lhumanité toute entière,
que nous croyons rendre service à nos lecteurs, en insérant
dans ce recueil les différens rapports qui ont été
faits successivement à lacadémie & à lassemblée
nationale sur cet objet. La plupart de ces rapports navoient point encore
été imprimés : cest avec plaisir 226 Fait à lAcadémie des Sciences, le 27 Octobre 1790, Par MM. Borda, Lagrange, Lavoisier, LASSEMBLÉE Nationale a demandé lopinion de lAcadémie sur la question de savoir sil convient de fixer invariablement le titre des métaux monnoyés, de manière que les espèces ne puissent jamais éprouver daltération que dans le poids, & sil nest pas utile que la différence, tolérée sous le nom de remède, soit toujours en dehors. Elle a chargé en même-temps lacadémie dindiquer aussi léchelle de divion quelle croira la plus convenable, tant pour les poids que pour les autres mesures, & pour les monnoies. 227 228 229 230
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LÉGISLATEURS, |
Lacadémie
des sciences vient rendre compte à la Convention nationale, de
létat actuel du travail sur les poids & mesures, dont elle
a été chargée par lAssemblée nationale constituante.
Pour accélérer
ce travail, qui exige plusieurs opérations de différens
genres, lacadémie la divisé en cinq parties, pour chacune
desquelles elle a nommé une commission particulière.
256
La premiére de
ces commissions doit déterminer, par des observations astronomiques
& géodésiques létendue de larc du méridien
terrestre qui traverse toute la France depuis Dunkerque jusquaux Pyrénées,
& une petite partie de lEpagne, depuis les Pyrénées
jusquà Barcelone ; & de cette mesure, elle conclura la grandeur
de la circonférence de la terre, pour y rapporter lunité
de mesure usuelle.
La seconde commission
mesurera les bases sur lesquelles doivent sappuyer les opérations
géodésiques.
Lobjet de la troisième est dobserver la longueur du pendule à
secondes, prise au quarante-cinquième degré de latitude,
& au bord de la mer, pour trouver ensuite le nombre doscillations
que feroit en un jour un pendule simple, égal à la mesure
conclue de la grandeur de la terre.
La quatrième commission
déterminera le poids dun volume donné d`eau distillée,
& en conclura létalon général des poids.
Enfin la cinquième
est chargée de comparer dabord à la toise & à
la livre de Paris toutes les mesures de longueur & de capacité,
& tous les poids usités en France, & de déterminer
ensuite leurs rapports avec les nouvelles unités de poids &
de mesures.
257
La première occupation
des commissaires nommés par lAcadémie, a été
de faire construire les différens instrumens nécessaires
pour leurs opérations. Ceux qui devoient servir aux observations
astronomiques & géodésiques, étoient les plus
pressés ; mais leur construction exigeant beaucoup de temps, ils
nont pu être achevés que cette année, & cest
à la fin du printemps seulement, que les commissaires chargés
de la mesure de larc terrestre, on pu commencer leur travail.
Le citoyen Méchain,
lun de ces commissaires, qui devoit mesurer la partie de la chaîne
des triangles comprise depuis les Pyrénées jusquà
Barcelone, est arrivé en Espagne au mois de juillet. Ses premiers
travaux ont été daller reconnoître les sommets des
montagnes qui pouvoient servir de points de station pour ses triangles,
afin den former dabord un plan général : revenu ensuite
une seconde fois sur ces montagnes, il a mesuré tous les angles
; & maintenant, la chaîne des triangles quil devoit observer
en Catalogne est déterminée.
Mais cet académicien
a conçu le projet détendre beaucoup plus loin ses opérations
; il desireroit lier à son travail lîle de Mayorque, dont
les hautes montagnes sapperçoivent
Tome XVI
R
258
des hauteurs voisines de Barcelone & de Tortose, quoiquelles en soient
éloignées denviron quarante-cinq lieues ; il voudroit même
aller jusquà la petite île de Cabrera, qui est au sud de
Mayorque, & toujours à-peu-près sous le méridien
de Paris. La mesure de larc terrestre comprendroit alors douze degrés
dun grand cercle, ou trois cents lieues communes de France en ligne droite,
& le quarante-cinquième degré de latitude se trouveroit
au milieu de larc mesuré, ce qui rempliroit complettement lobjet
de lacadémie : cette extension de travail donnera sans doute un
nouveau prix à lopération entreprise, qui sera fort au-dessus
de tout ce qui a jamais été fait en ce genre, & annoncera
louvrage dune grande nation.
Le gouvernement espagnol
paroît shonorer de concourir à ce beau travail : une corvette
armée à Carthagène, a été envoyée
en station à Barcelone, et est destinée à transporter
le citoyen Méchain à Mayorque, à Tortose & à
Cabrera, lorsque la suite des observations lexigera. M. de Gonzalès,
officier de marine très-instruit, qui commande la corvette, plusieurs
autres officiers & ingénieurs accompagnent et secondent le
citoyen Méchain, & par tout les ordres de M. de Lascy, commandant
de la
259
Catalogne, précédent & facilitent ses opérations.
Le citoyen Méchain, après avoir achevé toutes ses
observations au-delà des Pyrénées, rentrera en France
au printemps prochain; & continuant ses opérations, il viendra
à la rencontre du citoyen Delambre, second commissaire qui, de
son côté, a commencé la mesure des triangles autour
de Paris. Une saison pluvieuse, des temps obscurs & brumeux qui font
le désespoir des observateurs, ont contrarié les premiers
travaux du citoyen Delambre ; des obstacles dun autre genre ont encore
ralenti sa marche; mais son courage & sa constance ont surmonté
toutes les difficultés : il a déjà mesuré
des triangles dans létendue de plus de 20 lieues, & la rigueur
de la saison ne lempêche pas de continuer encore ses travaux ;
son zèle se proportionne à la longueur de la carrière
quil doit parcourir.
Tandis que ces deux académiciens
soccupent des observations des triangles, on fait les préparatifs
nécessaires pour la mesure des bases sur lesquelles ces triangles
doivent sappuyer; la commission qui en est chargée, en mesurera
une première au printemps, & cest celle qui a déja
servi, dans le siècle dernier, pour la détermination du
degré terrestre entre Paris
R ij
260
& Amiens, & qui se trouve auprès de Paris, entre Ville-Juif
& Juvisy ; une seconde sera mesurée dans le midi de la France
; et peut-être une troisième en Catalogne. Les commissaires
se proposent de mettre, dans ce travail, des attentions & des soins
particuliers, dont les Anglois leur ont donné lexemp!e dans une
opération de ce genre, quils viennent de faire auprès de
Londres. Ils espèrent ne pas leur rester inférieurs, &
ils chercheront à les surpasser.
Lopération relative
à la longueur du pendule, qui est lobjet de la troisième
commission, est déjà fort avancée : de nombreuses
expériences ont été faites à lobservatoire,
par les citoyens Borda, Coulomb & Cassini, pour déterminer
dabord la longueur du pendule qui bat les secondes à Paris. Le
choix des moyens quils ont employés, le scrupule quils ont mis
dans leurs observations, & laccord singulier de leurs résultats,
pourroient, dès-à-présent, faire regarder cette première
partie de leur travail comme suffisamment exacte ; mais ils se proposent
de continuer encore leurs expériences pendant lhiver, & ils
ne les cesseront que lorsquils croiront ne pouvoir plus ajouter aucun
degré de précision à leur résultat. Nous mettons
sur le bureau un mémoire
261
dans lequel ces commissaires ont rendu à lacadémie un compte
sommaire de ces premières expériences, en attendant la oublication
quils feront de tous les détails de leurs observations, lorsque
leur opération sera terminée.
Il reste encore à
ces commissaires à comparer la longueur du pendule observée
à Paris, avec celle qui a lieu au quarante-cinquième degré
de latitude au bord de la mer; & cest auprès de Bordeaux quils
achèveront cette dernière partie de leur travail.
Celui de la quatrième
commission, qui doit déterminer le poids dun volume donné
deau distillée, & en conclure létalon des poids, va
être incessamment commencé. Les commissaires chargés
de ce travail, qui exige beaucoup de recherches & dopérations
délicates, espèrent quil sera terminé avant la fin
delhiver, & dès-lors ils seront en état de déterminer
le nouvel étalon des poids, ou la nouvelle livre avec une précision
déjà plus grande quil nest nécessaire pour tous
les usages ordinaires ; mais ils ne le fixeront absolument que lorsquils
auront pu comparer avec la mesure conclue de la grandeur de la terre,
les dimensions du volume deau distillée dont ils auront trouvé
le poids par leurs expériences.
Les quatre commissions
dont nous venons de
R iij
262
parler, ont un objet général qui intéresse toutes
les nations; le travail de la cinquième commission regarde la
France seule, puisquelle doit soccuper uniquement de déterminer
les rapports de nos mesures actuelles avec celles qui seront établies
; pour y parvenir, lassemblée constituante avoit décrété
que les différens départemens enverroient à lacadémie
les étalons de leurs mesures de longueur & de capacité,
ainsi que les étalons des poids. Jusquà présent
un petit nombre de départemens a satisfait au décret ; mais
il faut espérer que, sollicités de nouveau par le ministre
de lintérieur, & mieux instruits de lutilité de cette
entreprise, ils chercheront à en hâter les succès.
Lacadémie vient
de rendre compte à la Convention nationale, de létat actuel
de son travail sur les poids & mesures ; elle espère que les
premiers mois de 1794 verront la fin de cette grande opération
: il ne restera plus alors quà faire les étalons qui seront
envoyés au différentes nations, & peut-être aussi
aux compagnies savantes de lEurope qui, par leur célébrité,
peuvent le plus contribuer à en étendre lusage: lacadémie
sestimera heureuse de pouvoir y contribuer par elle-même, &
elle se félicitera toujours davoir concouru à lexé-
263
cution dun projet glorieux à la nation, utile à la société
entière, & qui peut devenir, pour tous les peuples qui ladopteront,
un nouveau lien de fraternité générale.
Quil soit encore permis
à lacadémie de rappeler à la Convention nationale
un autre projet adopté par lAssemblée constituante, &
qui se trouve intimement lié au premier : nous voulons parler du
systême de division décimale à établir dans
les mesures de toute espèce, dans les poids & dans les monnoies
: cette division, dont lusage nexigera aucune nouvelle connoissance,
facilitera tous les calculs du commerce, en les réduisant aux opérations
les plus simples de larithmétique; & sera dun avantage aussi
grand & plus étendu pour toute la société, que
luniformité même & luniversalité des poids &
mesures.
Les commissaires de lacadémie
ont senti que ce systême devoit sétendre jusquaux mesures
dont lastronomie & la géographie font usage. Déjà
la division décimale a été employée &
a remplacé lantique division du cercle, dans les instrumens dont
les citoyens Méchain & Delambre se servent pour la mesure de
larc terrestre : elle la étê également dans une
horloge astronomique destinée pour les dernières expériences
sur la longueur du pendule ;
R iv
264
cadémie soccupe de réduire à cette division toutes
les tables qui servent aux calculs des astronomes des navigateurs &
des géographes, ouvrage immense que son zèle pour les sciences
& pour tous les projets utiles lui fait entreprendre.
Le citoyen Lalande, faisant
les fonctions de secrétaire de lacadémie, a pris la parole
& a dit :
LÉGISLATEURS,
Lacadémie des
sciences demande à la Convention nationale la permission de lui
offrir la collection entière des ouvrages quelle a publiés
depuis son établissement. Cette collection, de plus de 150 volumes,
renferme une partie des travaux, des académiciens sur toutes les
sciences ; les ouvrages auxquels elle a adjugé des prix sur des
questions difficiles & importantes de physique & de navigation;
les mémoires que des savans étrangers à lacadémie
ont soumis à son examen ; la description des machines ingénieuses
& utiles qui lui ont été présentées ;
enfin la description dun grand nombre darts, à laquelle les savans
les plus éclairés, et les artisans les plus célèbres,
se sont fait un devoir
de concourir.
Ce sont là les
titres de lacadémie à la re-
265
connoissance publique; elle les offre avec confiance aux Représentans
de la nation : ils y verront que, sans négliger jamais ces grandes
théories nécessaires aux progrès des sciences, &
par-là au perfectionnement des facultés humaines, à
laccroissement de nos moyens dactivité & de bonheur, lacadémie
a marqué une préférence constante, pour tout ce qui
offre lespoir dune utilité sensible & prochaine ; ils y verront
que les hommes qui, malgré les fautes dun gouvernement despotique,
ont su encore servir la raison, qui lont élevée et fortifiée
lorsquon tendoit à lopprimer, ne peuvent manquer de redoubler
de zèle au moment où, sous la République Françoise,
le génie peut choisir, à son gré, lobjet de ses
méditations, où il peut se saisir de tous les moyens dêtre
utile, où enfin la raison est devenue la seule puissance réelle,
la seule à laquelle des hommes égaux & libres ne dédaignent
pas dobéir.
Réponse du Président.
Citoyens, la Convention
nationale applaudit à limportance & au succès de votre
travail. Depuis long-temps les phlosophes plaçoient au nombre de
leurs voeux celui daffranchir les hommes de cette différence des
poids & des mesures qui entrave toutes les transactions so-
266
ciales, & travestit la règle elle-même en un objet de
commerce: mais le gouvernement ne se prêtoit point à ces
idées des philosophes ; jamais il nauroit consenti de renoncer
à un moyen de désunion. Enfin, le génie de la liberté
a paru ; & il a demandé au génie des sciences, quelle
est lunité fixe & invariable, indépendante de tout
arbitraire, telle, en un mot, quelle nait pas besoin dêtre déplacée
pour être connue, & quil soit possible de la
vérifier dans tous les tems & dans tous les lieux. Estimables
savans, cest par vous que lunivers devra ce bienfait à la France.
Vous avez puisé votre théorie dans la nature : entre toutes
les longueurs déterminées, vous avez choisi les deux seules
dont le résultat combiné fût le plus absolu, la mesure
du pendule, et sur-tout la mesure du méridien; & cest en rapportant
ainsi lun à lautre, avec autant de zèle que de sagacité,
la double comparaison du temps & de la terre, que par une confirmation
mutuelle vous aurez la gloire davoir découvert pour le monde entier
cette unité stable, cette vérité bienfaisante qui
va devenir un nouveau bien des nations, & une des plus utiles conquêtes
de légalité.
La Convention nationale
accepte la collection précieuse dont vous lui faites hommage, &
vous invite à sa séance.
Fait à lAcadémie des Sciences, le 19 Janvier 1793,
sur lunité des Poids & sur la nomenclature
de ses divisions ;
Par MM. BORDA, LAGRANGE,
CONDORCET
& LAPLACE.
Borda, Lagrange, Condorcet
& Laplace.
LACADÉMIE
ayant chargé les commissaires des poids & mesures de répondre
à une série de questions qui lui ont été faites
par le comité des assignats & monnoies de la Convention nationale,
ces commissaires vont soumettre leurs réponses au jugement de lacadémie.
Le comité des assignats
& monnoies demande ,
1°. Si la précision
du résultat des travaux de lacadémie est dès-à-présent
telle quon puisse sen servir pour le systême monétaire
en fixant avec une approximation suffisante lunité de dimension
linéaire que lacadémie se propose devoir établir.
2°. Quelle sera la
dénomination de cette unité, léchelle & la dénomination
de ses subdivisions.
268
3°. Le rapport de
cette unité & de ses subdivisions avec les mesures actuellement
en usage, telles que le pied & ses subdivisions.
4°. Quelles seront
les dénominations de lunité de poids & de ses subdivisions
dans le nouveau systême.
5°. Quel sera le rapport
de cette unité avec celle qui est actuellement en usage, telle
que la livre poids de marc.
Les commissaires vont
dabord répondre aux questions qui concernent lunité des
mesures linéaires ; ils parleront ensuite de lunité des
poids, & enfin des monnoies.
Lacadémie a proposé
de prendre pour lune des mesures linéaires, la dix-millionième
partie du quart du méridien terrestre. Or nous pouvons dès-à-présent
déterminer cette dix-millionième partie daprès la
mesure des degrés de la méridienne de France : nous nous
servirons pour cela des résultats donnés par l
se trouve de 57027 toises : mais on sait que le 45e degré peut
être regardé comme le degré
269
moyen entre tous ceux dun méridien ; par conséquent en
multipliant cette quantité par 90, on aura létendue du
quart du méridien, quon trouvera de 5,132,432 toises ou 30,794,380
pieds. Prenant ensuite la dix-millionième partie de cette quantité,
on aura 3 pieds, 079458, ou simplement 3 pieds 11 lignes 44/100, &
ce sera la valeur approchée de lunité des mesures linéaires
proposée par lacadémie. Il sagit dévaluer la précision
de cette détermination.
Nous remarquerons dabord
que
de plus dun trois millième sur la grandeur du méridien
& par conséquent aussi sur lunité
270
des mesures linéaires que nous en avons déduite. Mais nous
devons remarquer quil y a eu un si grand nombre dobservations faites
dans la méridienne & que ces observations saccordent si bien
entrelles, quil paroîtroit injuste dévaluer leur précision
daprès la règle générale de
Nous venons de répondre
aux questions faites par le comité des monnoies sur la dimension
de lunité linéaire & sur la précision avec laquelle
on peut la déterminer quant à présent. Ce comité
demande encore quels sont les noms que nous proposons de donner à
cette mesure & à ses subdivisions. Lacadémie a déjà
énoncé sou avis à ce sujet dans un mémoire
quelle a envoyé au minislre des contributions publiques au mois
de juillet dernier, lorsquelle a été consultée par
ce ministre, sur
271
lemploi des nouvelles mesures dans les opérations relatives au
cadastre : nous joignons ici la copie de ce mémoire, dans lequel
lacadémie propose de donner à la mesure principale le nom
générique de mètre, & de désigner
ensuite les subdivisions par les noms de décimètre, centimètre & millimètre, qui rappellent
le systême de division décimale auquel cette mesure &
toutes les autres doivent être assujetties. On peut voir dans le
mémoire, les
raisons qui ont engagé lacadémie à adopter ces dénominations.
Nous joignons ici le rapport
de ces mesures avec, notre pied ordinaire :
Nous venons
de répondre aux questions sur lunité des mesures linéaires,
nous allons maintenant parler de lunité de poids.
On a proposé de
prendre pour cette unité le poids dune mesure cubique deau distillée,
ayant pour côté la dixième partie de la mesure linéaire
que nous avons appelée décimètre, ou, ce qui est
la même chose, la cent mil-
272
lionième partie du quart du méridien terrestre Pour parvenir
à cette détermination, il faut dabord connoître par
expérience la pesanteur dun volume donné deau disfllée
& la rapporter ensuite au décimètre cube.
Lexpérience sur
la pesanteur de leau vient dêtre faite avec beaucoup de soin &
de précision par les citoyens
Ces commissaires se sont
servis pour leur expérience, dun cylindre de cuivre creux, ayant
environ 9 pouces de diamètre & 9 pouces de hauteur, fait par
le citoyen
différences qui se trouvent entre deux longueurs à-peu-près
égales que lon veut comparer entrelles : une différence
dun 2000e de ligne y est rendue sensible par un index, & les mêmes
opérations répétées plusieurs fois y donnent
les mêmes résultats à un millième de ligne
près.
Voici
273
Voici le procédé
qui a été suivi par les commissaires. Ils ont premièrement
fait faire une règle de cuivre de 9 pouces de longueur, cest-à-dire,
à-peu-près égale aux dimensions principales du cylindre.
Ensuite comparant successivement cette règle avec des diamètres
du cylindre pris en différens points de sa longueur & avec
des hauteurs prises également en différens points des surfaces
planes, inférieure & supérieure, ils ont déterminé,
au moyen de la machine, les petites différences entre cette règle
& chacun des diamètres ou hauteurs mesurées : ils ont
comparé de cette manière vingt-quatre diamètres &
17 hauteurs ; & prenant un milieu entre les résultats, ils
ont conclu la différence entre la règle de comparaison &
les dimensions moyennes du cylindre.
Cette première
opération achevée, les commissaires ont fait faire sept
autres règles à-peu-près égales à la
première, & quon a eu le soin de couper de longueur, de manière
que les huit prises ensemble & ajoutées bout à bout
se trouvoient exactement égales à la toise de lacadémie,
Comparant ensuite chacune de ces sept règles avec la première,
ils ont conclu le rapport de la règle de comparaison avec la toise,
& comme ils avoient déjà les rap-
Tome XVI
S
274
ports de cette même règle avec les dimensions moyennes du
cylindre, ils ont pu exprimer ces dimensions en parties de la toise de
lacadémie & comparer par conséquent la solidité
du cylindre avec le pied cube.
Après avoir ainsi
trouvé la solidité du cylindre, les commissaires se sont
occupés à le peser dans lair & dans leau. Ils lont
pesé dans lair avec une balance très-exacte appartenante
au citoyen
Pour le peser dans leau,
les commissaires ont profité de ce que le cylindre se trouvoit
un peu plus léger quun pareil volume du fluide; ils y ont fait
ajouter une petite tige, & sen servant ensuite comme dun pèse-liqueur,
ils ont pu déterminer avec beaucoup de précision le poids
du volume deau déplacé.
Le résultat de
cette expérience, dont les commissaires se proposent de communiquer
les détails à lacadémie, est que le pied cube deau
distillée, réduite à la température de la
glace & supposée dans le vuide, pèse 70 livres 60 grains
poids de marc.
Le poids du pied cube
deau étant ainsi connu, on a conclu celui du décimètre
cube,
275
ou la nouvelle unité de poids, en multipliant le poids trouvé
par le cube du rapport du décimètre au pied, ou par le cube
de la fraction décimale 0,3079458 ; faisant cette multiplication,
on trouve lunité des poids égale à 2 liv. 04438
poids de marc, ou 2 liv. 0 onc. 5 gr. 49 gr. ou 18841 gr.
Telle est lunité
des poids qui résulte, tant de lexpérience sur la pesanteur
de leau que nous venons de rapporter, que de la grandeur du décimètre
conclu du degré terrestre. Nous allons examiner la précision
de cette détermination.
Examinant dabord lexpérience,
nous estimons que vu la précison de la machine qui a servi à
mesurer le cylindre, le grand nombre de mesures par lesquelles on a déterminé
les résultats moyens, & la manière directe avec laquelle
les commissaires ont rapporté les dimensions du cylindre avec la
toise de lacadémie, il ne peut y avoir au plus quune erreur dun
200e de ligne sur la hauteur moyenne & sur le diamètre moyen
du cylindre ; or cette erreur nen donneroit quune dun 21,600e sur ces
dimensions, & par conséquent une dun 7200e sur la solidité
: ajoutant lerreur quon a pu commettte sur
les pesées dans lair & ans leau, que nous ne croyons pas
excéder
S ij
276
un trente ou quarante millième, on aura pour lerreur totale possible
sur la pesanteur de leau, un 6000e, ce qui répondroit seulement
à un gros & demi sur la pesanteur du pied cube ou à
¼ de grain environ sur le poids dun marc.
Quant à lerreur
qui vient de la grandeur supposée du décimètre, nous
avons déjà dit quon ne pouvoit répondre de lunité
des mesures linéaires , & par conséquent de la longueur
du
décimètre quà un 4500e près ; triplant cette
quantité, pour rapporter lerreur aux solidités ou aux poids,
on en conclura que lerreur sur le cube du décimètre peut
être dun 1500e.
Réunissant maintenant
les deux erreurs trouvées, cest-à-dire, un six-millième
venant de lexpérience sur la pesanteur de leau & un quinze-centième
venant de la détermination du décimètre, on trouvera
que lerreur totale sur lunité des poids peut être dun
douze-centième, & cest la plus grande que nous croyons devoir
admettre.
Au reste, les commissaires
espèrent obtenir des résultats plus précis encore
sur la pesanteur du pied cube deau, mais cette précision seroit
pour ainsi dire inutile quant à présent, parce que lerreur
qui vient de la grandeur supposée du degré terrestre, étant,
comme on la vu, beaucoup plus grande que celle qui vient de
277
lexpérience sur la pesanteur de leau, il nen résulteroit
jamais quune très-petite correction sur lunité des poids.
Ce ne sera quaprès avoir obtenu une mesure plus exacte du degré
terrestre, quon pourra déterminer cette unité avec la précision
convenable.
Il nous reste maintenant
à parler des dénominations de cette seconde unité
& de ses subdivisions. Nous pensons quelles doivent être déterminées
daprès les mêmes principes que celles des mesures linéaires;
cest-à-dire, quil faudroit dabord faire choix dun nom générique
pour lunité principale & employer ensuite pour les subdivisions
des mots composés qui rappellent la division décimale, comme
on la fait pour le mètre & les subdivisions.
Nous proposerons à
lacadémie de donner à lunité principale le nom
générique de grave. Dans le cas où ce nom seroit
adopté, les subdivisions pourroient être appelées décigrave, centigrave &, milligrave, &
pour les subdivisions inférieures au milligrave, qui nintéressent
quun très-petit nombre détats dans la société,
on diroit des dixièmes, centièmes, millièmes de milligrave, comme on dira également pour les mesures
linéaires des dixièmes, centièmes & millièmes de millimètre.
Telle est la nomenclature
que nous propo-
S iij
278
sons à lAcadémie; nous ne nous dissimulons pas que ces
noms, ainsi que ceux de décimètre, centimètre & millimètre ont le défaut dêtre trop
longs ; mais nous pensons que cet inconvénient est compensé
par les avantages énoncés dans le rapport de lAcadémie
cité ci-dessus.
Voici maintenant la comparaison
des nouveaux poids avec le poids de marc.
Nous allons
maintenant répondre à la question principale faite à
lacadémie sur lemploi de la nouvelle unité des poids dans
le systême monétaire. Notre opinion est que cette unité
est déjà déterminée dune manière assez
exacte pour quon puisse, sans inconvénient, y rapporter dès-à-présent
le poids des monnoies fabriquées, & voici les raisons sur lesquelles
nous nous fondons. Nous avons dit que lincertitude qui reste dans notre
détermination de lunité des poids peut tout au plus être
supposée égale à un 1200e, ce qui répondroit
à environ 3 grains 5/6 par marc: or la loi nexige des fabricateurs
des monnoies quune précision de 36 grains par
279
marc sur le poids des monnoies dargent & de 15 grains par marc sur
le poids des monnoies dor ; ainsi lerreur venant de notre unité
des poids seroit neuf fois plus petite que celle que lon permet sur les
pièces dargent, & quatre fois plus petite que celle que lon
permet sur les pièces dor; il suit delà quen réglant
dès-à-présent le poids des monnoies fabriquées
daprès la nouvelle unité , il nen résulteroit quune
petite différence en plus ou en moins sur le remède de poids;
nous devons même dire quil est très-probable que cette différence
seroit beaucoup plus petite que celle qui est supposée dans notre
évaluation. En effet, on a dû remarquer que nous ne sommes
parvenus à notre résultat dun 1200e derreur quen supposant
que les erreurs partielles qui composent lerreur totale sont toutes dans
le même sens, que chacune delles est la plus grande quon ait pu
commettre. Or, il nest guère possible quil ny ait quelques-unes
de ces erreurs qui se compensent ou qui soient plus petites quon ne la
supposé ; daprès cela notre détermination seroit
beaucoup plus exacte que nous ne lavons dit, & ses erreurs seroient
dune très-petite conséquence pour la fabrication des monnoies.
Pour donner à lAcadémie
une idée des nou-
S iv
280
veaux poids auxquels on pourroit rapporter les pièces des monnoies,
nous lui présentons trois pièces dargent exactement étalonnées,
daprès la nouvelle unité.
La première est
du poids dun centigrave ; en supposant que cette pièce
fût dun métal pur, sa valeur, comparée à nos
monnoies seroit à très-peu près les trois quarts
de celle-de lécu de trois livres, cest-à-dire, que cette
pièce vaudroit 45 sols à très-peu près; en
supposant quelle fût dun métal allié & que par
exemple lalliage fût de 10 pour 100 (ce
qui tiendroit le milieu entre le titre de nos monnoies & celui des
piastres dEspagne actuelles, la valeur du centigrave seroit de
40 s. 6 d.
Les deux autres pièces pesent, lune deux centigraves, & lautre
deux centigraves & demi. Ainsi les valeurs de ces trois pièces
seroient comme il suit :
Les commissaires
des poids & mesures, après avoir répondu aux questions
faites par le comité des assignats & monnoies croient devoir
engager lacadémie à représenter à ce comité,
281
& peut-être aussi à celui des finances dont il fait partie,
quil seroit bientôt tems détablir dans la monnoie nominale
ou la monnoie de comptes le systême de division décimale
proposé par lacadémie à lAssemblée nationale
constituante. Ce changement, qui seroit une préparation à
celui des poids & mesures & qui favoriseroit le succès
de ce dernier, pourroit être fait dune manière très-simple
& sans aucun embarras. Il suffiroit pour cela que lAssemblée conventionelle voulût bien décréter
quà compter dune certaine époque, qui seroit par exemple
le premier octobre de cette année, tous les comptes des dépenses
publiques qui étoient exprimés en livres, sols & deniers tournois, le seroient en livres, dixièmes
& centièmes de livre, & que tous les marchés des
fournisseurs & entrepreneurs avec la république, faits postérieurement
à cette époque, seroient stipulés de la même
manière. Le décret pourroit en même tems charger les
ordonnateurs des dépenses publiques denvoyer à leurs agens
une instruction sur la manière demployer cette nouvelle division
de lunité des monnoies. Cette instruction qui pourroit être
concertée awec lacadémie des sciences seroit extrêmement
simple & ne cousisteroit presquen un tarif pour réduire les
sols & deniers en dixièmes & centièmes de
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livre. Il est aisé de voir que la nouvelle division ainsi employée
par toutes les personnes chargées de rendre des comptes publics,
se répandroit promptement dans la société & deviendroit
bientôt dun usage général.
E X A M E N C H IM I Q U E
Du Cerveau de plusieurs animaux;
Par A. F. Fourcroy.
§. I.
cerveau de veau.
e x p É r i e n c e I.
ON a pris, un cerveau de veau dépouillé le mieux possible des vaisseaux sanguins & des membranes qui sont interpolées dans ses circonvolutions; on la ensuite bien lavé à plusieurs reprises dans beaucoup deau distillée jusquà ce quil cessât de la colorer en rouge. On a mis un morceau de ce cerveau dans une fiole à médecine avec de leau distillée, quon a fait
Le périodique a été créé en 1789 par Guyton de Morveau, Lavoisier et leurs amis à la suite de leur désaccord théorique avec de La Métherie. Ils écrivaient auparavant dans les Observations sur la physique...
Il devient en 1816 Annales de chimie et de physique, qui, à partir de 1914, sont dédoublées en Annales de chimie et en Annales de physique.
Pour les périodes 1789-1793 (I-XVIII). 1797-1815 (XIX-XCVI), l'adresse est : A Paris, rue et hôtel Serpente, et se trouve à Londres, chez Joseph de Boffe, Libraire, Gerard-Street, n° 7 Soho.
Sur la page de titre les auteurs varient. Initialement, «Par MM. de Morveau, Lavoisier, Monge, Berthollet, de Fourcroy, le baron de Dietrich, Hassenfratz & Adet » .
Parmi les mémoires, cahiers, description d'expériences,
extraits et annonces de livres paraît dans le numéro de mars
1793 un recueil de pièces
relatives à la réforme des poids et mesures, rassemblant les documents suivants :
Recueil de Pièces relatives à l'uniformité des Poids & Mesures, Annales de Chimie ou Recueil de Mémoires concernant la Chimie & les Arts qui en dépendent par Guyton, Lavoisier, Monge, Berthollet, Fourcroy, Adet, Hassenpratz, Seguin, Vauquelin & Pelletier. Janvier 1793, Tome seizième. A Paris, rue & Hôtel Serpente. A Londres, chez Joseph de Boffe, Libraire, Gerard Street n°7 Soho. p. 225-282.