Ce texte a été transcrit à partir d'un exemplaire qui m'appartient et dont je fournis aussi le fac-similé sous format djvu.

L’allusion, qui y est faite au "ministre qui a conçu le systême des administrations provinciales", m’a de proche en proche déterminée à mettre en ligne dans les jours à venir une série de textes afférents. Je n’oublie pas pour autant des publications depuis longtemps entamées et depuis longtemps restées inachevées. mai 2005, p. taieb

 
Sentant ma foiblesse pour traiter de si grandes choses, j’ai long temps attendu qu’un autre expliquât les idées que j’ose aujourd’hui présenter à ma Patrie. Mais entre tous les Ouvrages profonds & lumineux, que de vrais Citoyens ont mis au jour, aucun ne m’a paru atteindre le but que je me proposois. Les plus solides principes ont été le plus énergiquement développés, soutenus au mieux de l’érudition, de la logique & de l’éloquence. C’est pour cela que j’ai cru pouvoir écarter l’exposition de ces principes, d’un écrit bien court pour son objet, mais trop long pour mon peu de loisir, & pour ce que je puis espérer d’indulgence. Et cependant j’ai pensé qu’il pouvoit être bon de présenter la figure, & comme le dégrossi d’un systême conforme à ces principes, afin d’en faire peser davantage l’importance, & d’en mieux conseiller l’usage.

DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE.
Le Ministre qui a conçu le systême des Administrations Provinciales, auroit par cela seul des droits assurés à notre reconnoissance, & sa sagesse a dès-lors en quelque sorte annoncé les travaux profonds & généreux, par lesquels il devoit un jour préparer la régénération de la France entiere. Ces Administrations telles qu’elles furent présentées d’abord, telles même qu’on a commencé de les mettre en action, peuvent procurer des lumieres & faciliter des opérations utiles, Cependant comme plusieurs l’ont observé, & suivant le sort commun des institutions humaines à leur origine, elles n’ont pas encore acquis la perfection dont elles sont susceptibles. Elles ont des vices & des inconvénients : elles ne produisent qu’une partie du bien désiré. Si l’on parvient en leur donnant une autre forme, à mieux lier & combiner plus justement leurs parties & leurs rapports entr’elles, n’en pourra-t-on pas accroître l’utilité, comme la vigueur & l’harmonie ? J’ai osé l’espérer ; & si la
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foible esquisse que j’essaie de tracer, ne se trouve pas mériter la palme de l’exécution, j’aurai du moins exprimé à quelque degré mon amour pour mes Compatriotes, & pour le Prince auguste, dont nous éprouvons dans ces temps malheureux la sollicitude paternelle.
Je ne ferai point d’énumération des avantages qui peuvent être retirés des Administrations Provinciales, pour la législation, la juste répartition des impôts, la prospérité de l’agriculture & du commerce, & les réformes en tout genre. Leur Auteur a publié quelques-uns de ces avantages, ils me paroissent assez généralement pressentis, & la lecture de ce plan, en les rappellant à l’esprit, pourra même en indiquer qu’on n’auroit pas encore apperçus.
Je m’attacherai sur-tout à la répartition des impôts, dans 1a forme d’Administration que je vais présenter, comme à l’un de ses principaux objets, & celui que le Roi s’est proposé plus directement dans les Administrations Provinciales. Ainsi dans tout ce qui va suivre, je ne parlerai que des seuls Citoyens contribuables, persuadé d’ailleurs que la classe indigente, la seule qui doive être dispensée des contributions publiques, ne peut avoir un intérêt différent de celui des contribuables, dans les autres objets auxquels peut s’appliquer l’utilité de cette Administration. C’est au nombre des contribuables, que je proportionnerai toutes les distributions & les assemblées que je vais proposer. Et comme le nombre est sans doute beaucoup plus grand de ceux que j’appelle indigents, qui ne tirent que leur subsistance journaliere, soit de leurs foibles possessions, soit de leur travail, ou des secours d’autrui ; je supposerai la quantité des contribuables égale seulement au quart de la population.
Division et Distribution.
Pour présenter un ensemble régulier, j’embrasserai dans mon plan toute la France. Si cependant quelques Provinces d’Etats préféroient leur forme actuelle, mon projet n’en conviendroit pas moins aux autres. On pourroit même facilement & par de légeres modifications, établir des liens solides & d’assez justes rapports entre celles-ci & les Etats anciens de celles-là. Je sens d’ailleurs que ce ne sera qu’avec de telles modifications, qu’on pourra réunir à l’administration du corps de la Nation, celles des Isles & des Colonies : réunion que l’équité réclame autant que l’intérêt général. J’aurois souhaité pouvoir entrer dans le détail de ces modifications, mais les longueurs
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où m’entraîneroient ces accessoires, nuiroient à la clarté que je dois m’efforcer de répandre sur le principal.
Je divise le Royaume en vingt-une Provinces ; & l’égalité que je pense devoir être principalement recherchée dans leur formation, est celle de la population probable, dont je prends la mesure dans la salubrité des climats, la fécondité naturelle des territoires, la direction des grandes rivieres considérées comme moyens de commerce & les autres circonstances permanentes, qui contribuent plus ou moins à fixer & multiplier les Habitants. Cette égalité du moins approchée, sera fort utile au maintien de l’ordre général & d’une juste balance entre toutes les parties de la Nation, quoiqu’elle ne soit pas d’une nécessité rigoureuse, au moyen de ce que l’échelle de proportion que je vais exposera, s’élevera par-tout également, depuis les simples individus jusqu’aux plus hauts représentants.
Je subdivise chaque Province en vingt-quatre Districts ou environ, donnant à chacun une étendue suffisante, pour qu’il comprenne environ douze à treize mille contribuables ; ce que j’estime répondre à cinquante mille Habitants, suivant la moyenne richesse des différentes parties du Royaume.
Considérant ensuite tous les Citoyens contribuables qui habitent chaque District, ou qui sont censés l’habiter , comme y possédant leur principal emploi, & s’y trouvant attachés par les plus importantes des fonctions qu’ils exercent dans la société ; je les distribue en tribus ou corporations d’un nombre convenable d’individus, suivant les rangs, conditions & professions de chacun. Et comme plusieurs conditions présenteroient souvent dans un même District, un nombre d’individus trop grand pour ne pas nuire à l’ordre & à la commodité des assemblées, je divise les conditions & professions nombreuses dans chaque District, par cantons & par villes ou par quartiers ; réunissant d’ailleurs en une tribu les Citoyens de rangs & professions semblables, soit d’une ville entiere, soit d’un ou plusieurs quartiers d’une même ville, soit d’un ou plusieurs villages & bourgs voisins & dépendants du même District.
Cette distribution convient à tous les Citoyens, quels que soient leur crédit, leur élévation & leurs richesses. J’en excepte cependant tous les Princes du sang royal, pour en former comme la premiere Province de toute la Nation. Cette distinction me paroît un juste hommage envers la Majesté royale : unique elle sera plus digne des augustes Citoyens qui en seront l’objet ; réservée aux médiateurs les plus naturels
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& les plus éclairés, comme les plus puissants entre le Trône & les Peuples, aux médiateurs, j’ose dire les plus intéressés à la parfaite union du Chef & des Membres, ni l’un, ni les autres n’en peuvent concevoir aucun soupçon défiant, ni le moindre ombrage.
Cinq Classes générales.
Tout Citoyen contribuant pour les charges de l’Etat, doit trouver sa place dans quelqu’une de ces corporations, & par-là être assuré du droit de participer soit directement, soit par voie de représentation, à la répartition de ces charges, & à toute espece de délibérations nationales. Mais il est dans la société certaines classes, qui, pour leur importance & leur étendue, doivent être plus particuliérement assurées de ce droit précieux de citoyenneté. Je remarque en France quatre de ces classes principales : les Agriculteurs, les Commerçants, les Nobles & les Ecclésiastiques.
J’appelle Ecclésiastiques les Ministres de notre sainte Religion, élevés aux Ordres sacrés depuis & compris le Sous-Diaconat, & tous les Religieux de l’un & de l’autre sexe, même les maisons de Congrégations simples, dont les instituts ont pour objet la vie ascétique ou l’éducation religieuse, morale & littéraire. Je n’y comprends pas néanmoins les Séminaires & Colleges, qui n’ont pas d’autres biens que ceux servants directement à leur entretien, non plus que les Hôpitaux & Hospices, en tant qu’ils seroient dans le même cas ; mais en plaçant toujours les personnes employées à desservir ces établissements publics, dans les classes & corporations qui leur conviennent.
Je donne le nom d’Agriculteurs à tous ceux dont la profession, ou la principale occupation, a pour objet quelque espece que ce soit de culture de la terre.
Sous celui de Commerçants je réunis les Artistes, les Armateurs, Banquiers, Négociants, Fabriquants, Marchands, les Entrepreneurs de constructions & autres ouvrages, les Pasteurs de bestiaux, les Artisans, & généralement toutes les professions appartenantes au commerce ou aux Arts.
Par la qualité de Nobles, je veux indiquer ici particulierement les Citoyens ayant actuellement la Noblesse acquise & permanente, qui ne sont pas Ecclésiastiques, & au moins Sous-Diacres, & qui ne tiennent point par leur profession ou occupation principale à la classe de l’Agriculture, ni à celle du commerce. Mais à l’égard de ceux qui exerceroient quelque profession de l’une ou l’autre de ces deux classes, je leur
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laisse le choix, ou de se tenir dans les corporations de leurs professions, en y occupant les premieres places dans toutes les Assemblées, de quelque degré que ce soit, ou de se faire classer dans la Noblesse.
Je ne vois aucune raison solide de ranger (du moins dans ce systême) tous les Membres de l’Ordre de Malthe indistinctement plutôt dans la classe & les tribus du Clergé que dans celles de la Noblesse. Il me paroît plus simple & plus convenable de laisser dans les tribus de Noblesse tous les Chevaliers Nobles, puisqu’ils ne sont pas plus attachés que les autres Laïcs au service spirituel de l’Eglise ; dans les tribus du Clergé les Ecclésiastiques, & les servants non Nobles dans celles communes de la Bourgeoisie. Je me crois d’autant mieux fondé dans ce sentiment, que la composition de ces classes ne tend point à former des corps distincts & isolés les uns des autres, mais à faciliter celle des tribus dont je parlerai dans un instant, & sur-tout à assurer aux grandes professions du Sacerdoce & de la vie monastique, à celles aussi très-respectables de l’Art Militaire & de la haute Magistrature, à celles singulierement utiles du commerce, & des Arts qui en dépendent, & enfin à celle nécessaire de l’Agriculture, une influence dans les affaires publiques, combinée suivant les regles de la raison, de l’équité & de la vraie politique. J’ajoute que la formation de ces classes donnera sans cesse au Gouvernement, sur l’équilibre à conserver entre les principales conditions & professions de la société, & sur les encouragements à donner aux unes plutôt qu’aux autres, des lumieres & des facilités qu’on attendroit vainement de toutes autres mesures.
De ces classes & des tribus qui leur appartiendront, seront ex-
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ceptés, comme je l’ai dit, tous les non contribuables, quand même par leur profession, ils seroient Membres d’une Communauté dont la très-grande pluralité y seroit comprise. En seront notamment exceptés les soldats, les journaliers, les compagnons & garçons de métiers, les serviteurs & tous ceux qui se louent eux-mêmes pour des ouvrages manuels & mécaniques.
Tribus.
Après avoir annoncé la distribution de chaque District en tribus différentes, & déterminé cinq classes à l’une ou à l’autre desquelles chaque tribu doit appartenir, je vais expliquer la formation particuliere de ces tribus. Il est sans doute facile de réunir en une société ou corporation, entre les Habitants d’un canton plus ou moins étendu, selon qu’il sera plus ou moins peuplé, & que sa situation rendra les assemblées & convocations plus ou moins aisées & commodes, ceux qui se trouvent exercer la même profession, ou les professions les plus semblables, ou bien être de conditions peu distantes entr’elles ; en un mot, ceux qui sont plus dans le cas de se fréquenter & se connoître mutuellement. Je répète que par le mot Habitants, je veux moins parler d’une habitation de fait & locale, que de celle de droit, c’est-à-dire, celle où chacun est appellé par sa dignité, son rang, son grade, son emploi, ou sa profession, & en cas de pluralité d’états exigeants ou supposans résidence, par celui qui seroit reconnu le principal.
Dans le Clergé, ou chaque maison Religieuse, Séculiere, ayant une masse commune de biens, devra être considérée comme un seul individu, lorsque ses Membres n’excéderont pas un nombre déterminé, comme douze ; elles devront être comptées pour deux, lorsqu’ils surpasseront ce nombre & non le double, & ainsi de suite. Mais le Supérieur en sera séparé dans toutes celles où il a mense particuliere & distincte, & il en sera de même des autres Officiers d’aucunes de ces maisons, pour les biens dont ils jouiroient à part de la masse commune. Ces maisons représentées dans les Assemblées par leurs Procureurs ordinaires ou autres Députés, ou du moins les plus richement dotées de ces Maisons, pourront être réunies dans chaque District avec les plus riches Ecclésiastiques. Les Maisons moins fondées seront classées avec les Ecclésiastiques moins aisés avec ou sans bénéfice, selon le nombre plus ou moins grand que les différents Districts en contiendront.
Les Compagnies de Magistrature, les divers Corps ou Communautés d’Officiers de Judicature & autres, les corporations
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de Commerce & d’Arts & Métiers, dans un grand nombre de villes, présenteront ou des tribus toutes formées, ou des portions de tribus faciles à réunir. Dans les grandes villes, les Communautés trop nombreuses pourront se diviser en deux ou plusieurs tribus par quartiers ou Paroisses. Cette forme de division y sera aussi suivie pour le commun des Citoyens, soit Nobles, soit Bourgeois, qui se trouveront ne pouvoir être compris dans la distribution par professions, soit comme n’occupant aucun état déterminé, soit parce que leurs états isolés ou peu nombreux dans leur espece, n’offriront pas de réunion plus convenable.
Dans les campagnes, on aura rarement à s’écarter pour les tribus des classes de commerce & d’agriculture, de la distribution que présentent les Paroisses ou les Bourgs & Villages. Quant aux trois autres classes, on réunira plusieurs lieux ou Paroisses, soit entr’eux, soit à la ville la plus prochaine.
Chaque tribu sera composée d’une ou plusieurs centaines ou centuries de contribuables, jusqu’à concurrence de dix centuries au plus, en observant de compter, comme deux ou plusieurs individus, les Maisons Ecclésiastiques de plus de douze Membres, selon ce qui est expliqué ci-dessus.
Comme il est vraisemblable que la classe des Ecclésiastiques & celle des Nobles seront souvent moins nombreuses que les autres, on y pourra, par un privilege particulier, réputer les centuries complettes, dès qu’elles excéderont le nombre de soixante-dix contribuables, autant néanmoins que l’usage de ce privilege ne donnera pas à chacune de ces deux classes plus de vingt-cinq centuries dans le même District, & jusqu’à concurrence de ces vingt-cinq centuries seulement; au contraire dans les autres classes, aucune centurie ne sera réputée complette, qu’elle ne le soit en effet.
Les tribus ainsi formées seront présidées & régies chacune par autant de délégués qu’elle contiendra de centuries, & ces délégués seront secondés dans leurs fonctions par autant d’adjoints & un de plus. Ainsi les tribus d’une seule centurie auront un délégué & deux adjoints, celles de deux centuries, deux délégués & trois adjoints, & en augmentant toujours d’un délégué & d’un adjoint par centurie. Les uns & les autres seront élus en assemblée ordinaire & annuelle de la tribu, par tous les votants, moitié chaque année, pour se renouveller successivement, excepté le délégué unique des tribus d’une seule centurie, lequel ne sera élu & renouvellé que de deux en deux ans, en sorte que tous aient tou-
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jours deux années d’exercice. Ils seront toujours choisis entre les votants, & les délégués pourront l’être par préférence entre les adjoints sortis ou actuellement sortants. Mais hors les cas de nécessité, aucun délégué ni adjoint ne pourra rentrer dans cette derniere charge, qu’après trois ans d’intervalle, ni aucun délégué dans le délégat, si ce n’est après cinq années. En cas de mort, de retraite hors de la tribu, ou de démission (dans les circonstances où l’on régleroit qu’elle seroit admise), de la part de quelqu’un de ces Officiers dans le cours de son exercice, ses fonctions seront continuées, si c’est un délégué, par l’un des anciens délégués derniers sortis ; & si c’est un adjoint, par l’un des anciens adjoints ou délégués aussi plus récemment sortis de charge, au choix des autres délégués & adjoints actuellement exerçants.
Districts.
Ces délégués seront les Députés ordinaires de leurs tribus respectives, pour composer les Assemblées de Districts. Mais chaque tribu dans son Assemblée pourra toujours y députer, en cas d’empêchement d’aucuns de ces délégués, & pour les remplacer, tels autres qu’elle voudra de ses Membres votants. Lorsque l’empêchement n’aura pas été prévu par la tribu, les délegués empêchés seront autorisés à se substituer tels qu’ils voudront des adjoints; & quand ils n’en auront pas indiqué avant le jour de l’Assemblée du District, ils y seront remplacés de droit par les adjoints les plus anciens en charge, & entre ceux de même date de nomination par les plus âgés.
Chaque District sera régi intermédiairement, & son Assemblée présidée par un bureau toujours susibstant, & composé de la maniere suivante. Il résulte de mes données sur le nombre des contribuables de chaque District, que cette Assemblée sera d’environ cent vingt délégués, représentant autant de centuries, & divisés en cinq classes. Lorsque leur nombre n’excédera pas cent dix, il sera élu neuf Syndics & onze Pro-Syndics ; lorsqu’il sera de cent dix à cent trente, dix Syndics & onze Pro-Syndics ; & lorsqu’il excédera cent trente, onze Syndics & douze Pro-Syndics. Dans le premier cas, les neuf Syndics seront pris : sçavoir, un dans la classe la moins nombreuse en délégués, & deux dans chacune des autres; & les dix Pro-Syndics à raison de deux chaque classe. Dans le second, les dix Syndics seront pris à raison de deux dans chaque classe, & les onze Pro-Syndics : sçavoir, trois dans la
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classe la plus nombreuse, & deux dans chacune des autres. Et dans la troisieme hypothese, les onze Syndics seront pris : sçavoir, trois dans la classe la plus nombreuse, & deux dans chacune des autres, & les douze Pro-Syndics, à raison de trois dans les classes seconde & troisieme, en nombre de délégués, & de deux dans chacune des autres. Enfin lorsque, malgré les soins qu’on prendra dans la division des Provinces en Districts pour l’éviter, & comme il paroît devoir arriver dans Paris à l’égard de la classe d’agriculture, un District contiendra d’une des cinq classes moins de quatre délégués, il ne sera point élu de Syndic ni de Pro-Syndic dans cette classe : comme aussi s’il ne contient que quatre ou cinq délégués d’une classe, il sera pris entr’eux seulement un Syndic & un Pro-Syndic. Et dans l’un & l’autre cas, les Syndics & les Pro-Syndics nécessaires pour completter le nombre réglé ci dessus pour tout le District, & en proportion du nombre total de délégués, seront pris dans les autres classes : sçavoir, les Syndics d’abord, & les Pro-Syndics ensuite, à raison d’un dans chaque classe, en commençant par les plus nombreuses, & y revenant après la moindre, s’il reste encore des Pro-Syndics à nommer.
Les Pro-Syndics seront choisis entre les délégués près de sortir du délégat, & entreront en exercice du Pro-Syndicat, en cessant celui de la premiere de ces charges. Les Syndics le seront entre les Pro-Syndics sortants, & délégués sortants, & commenceront aussi leur nouvel exercice en finissant l’ancien. Les mêmes interstices seront observés pour rentrer dans ces charges après en être sortis, que pour la rentrée dans celles de délégués & d’adjoints. Il sera élu chaque année, seulement moitié des Syndics & moitié des Pro-Syndics, sauf un de plus de deux en deux ans, à cause des nombres impairs, en sorte qu’ils soient toujours moitié anciens & moitié nouveaux, & qu’ils se renouvellent successivement, comme il a été dit ci-devant pour les délégués & adjoints des tribus. De plus, on combinera dans chaque Province, autant qu’il sera possible, les Districts qui auront un nombre impair de Syndics de la même classe, sçavoir, un ou trois, tellement que chaque année, moitié seulement de ces Districts élisent leur Syndic unique ou troisieme de cette classe, & que les Syndics de chaque classe dans toute la province, se trouvent à peu près de même nombre une année qu’une autre.
A chaque élection annuelle, deux Syndics seront distingués des autres, l’un entre les anciens en charge, par le
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titre de premier, & l’autre entre les nouveaux par celui de second, & alternativement l’un de la Noblesse, & l’autre du Clergé ; en sorte qu’une année le premier soit Ecclésiastique & le second Noble, & l’année suivante, le premier Noble & le second Ecclésiastique. Ces premier & second Syndics tiendront rang & exerceront les fonctions de Président, le premier ordinairement, & le second après lui & en son absence, comme le substituant. Deux autres Syndics pris dans deux différentes des autres classes, aussi l’un ancien & l’autre nouveau, seront nommés pour faire les fonctions de Secretaires, l’ancien en premier, & le nouveau en second.
Provinces.
Les Syndics anciens en charge, c’est-à-dire, qui auront déjà fait la moitié de leur exercice, seront les Députés ordinaires & naturels en l’Assemblée de chaque Province, & pourront toutefois être remplacés, soit par d’autres Députés nommés par le District assemblé, soit par quelques-uns des Pro-Syndics en la manière & dans les cas ci-devant indiqués à l’égard des députations des tribus aux Districts.
Dans chaque Assemblée Provinciale ordinaire, il sera formé un bureau intermédiaire & de présidence, dont les Membres seront partagés en deux degrés, sous les titres d’Elus, de Pro-Elus. Ceux-ci seront choisis entre les Syndics anciens en charge, & les premiers, tant entre les mêmes Syndics, qu’entre les Pro-Elus près de sortir d’exercice. Les uns & les autres exerceront deux ans, à commencer de la fin de l’exercice de la charge dans laquelle ils se trouveront lors de leur nomination, & ne pourront rentrer dans ces charges d’Elus & Pro-Elus, qu’après des interstices au moins suffi longs que ceux fixés pour les délégués & adjoints. Et comme les Assemblées ordinaires n’auront lieu que de deux en deux ans, afin qu’ils se renouvellent successivement, on en élira moins pour entrer aussi-tôt en exercice, & moitié pour n’y entrer qu’au bout d’une année. Leur nombre sera proportionné à celui des Membres de l’Assemblée, tant en général que dans chaque classe en particulier, comme il a été dit ci-devant pour les Districts.
Il sera particuliérement fait choix de huit Elus, quatre entre les anciens, & quatre des nouveaux en exercice, pour être nommés deux à deux aux quatre charges de Président, de Procureur, de Secretaire & de Trésorier. La dignité de Président appartiendra aux deux classes des Ecclésiastiques
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& des Nobles exclusivement, avec partage entr’elles, & passage successif de l’exercice principal de l’une à l’autre, comme il a été dit pour celle de premier Syndic de District. Les trois autres charges pourront être remplies par tous autres Elus, de quelque classe qu’ils soient. Ces dignités & charges seront toujours exercées, principalement & ordinairement par les Elus anciens, & subsidiairement seulement par les nouveaux.
Le Trésorier sera chargé, sous l’autorité de l’Assemblée & du Bureau intermédiaire, de la garde & surveillance particuliere du trésor & des fonds de la Province ; le Secretaire, de la rédaction des Procès-Verbaux & autres actes de l’Assemblée & du Bureau, & de la garde des Archives; le Procureur-Provincial des informations & du rapport des affaires intérieure de la Province, de veiller sur l’organisation & la tenue des Assemblées & Bureaux inférieurs, & sur la conduite des délégués & adjoints, & des Syndics & Pro-Syndics dans l’exercice de leurs fonctions, pour rendre compte du tout, soit au Bureau Provincial, soit à l’Assemblée. Enfin le Président se chargera particuliérement, mais pour en faire part au Bureau, à mesure & sans délai, de toute la correspondance passive, tant avec le Ministere, qu’avec les autres Provinces.
Assemblées Réglées
Ces différentes assemblées se tiendront à des époques réglées, & chacune autant qu’il se pourra au centre de son ressort. Les Tribus & les Districts devront s’assembler tous les ans ; celles-là au mois de Mai, comme au temps le plus commode pour répartir & déterminer les contributions particulieres proportionnellement aux revenus & jouissances de l’année précédente, & les Districts en Octobre. Les délégués & adjoints pourront ne pas avoir de jours déterminés d’Assemblée, & s’assembleront chez le délégué unique ou le plus âgé des délégués, toutes les fois que l’exercice de leurs fonctions le requerra. Les Syndics & Pro-Sindics de chaque District tiendront leur bureau de quinzaine en quinzaine. Les Assemblées ordinaires des Provinces auront lieu, comme je l’ai dit, tous les deux ans ; on pourra les fixer au mois de Juin, & celles de leurs bureaux, pourront l’être à une fois chaque mois.
Assemblée Générale Provisoire.
Pareillement de deux en deux ans, au mois de Juin, mais en l’année oú ne se tiendront pas les Assemblées Provinciales,
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les élus anciens en charge se réuniront de toutes les provinces, à Paris ou dans quelqu’autre ville vers le centre du Royaume, cette Assemblée n’aura point de Bureau intermédiaire; elle ne se formera pas non plus de bureau de Présidence. Mais cinq des Princes du Sang Royal nommés & députés par tous, de l’agrément du Roi, occuperont de droit les premieres places en cette Assemblée, qui déférera chaque fois à l’un d’eux le rang, les honneurs & les fonctions de Président. Elle s’élira chaque fois aussi d’entre ses membres, les Secretaires & autres Officiers qu’elle se jugera nécessaires. Là très-utilement sans doute pour la Nation entiere, seront admis des Députés des Colonies. Elles y pourront être considérées comme différentes Provinces : par exemple, la Corse avec tous les établissements d’Afrique sur l’Océan, pour une; ceux des grandes Indes pour une autre, & tous ceux des Isles & des deux continents d’Amérique pour une troisieme. La proportion numérique & les classes de ces Députés, seront déterminées suivant l’état de chaque Colonie, sur les principes ci-devant annoncés.

Assemblée Nationale.

Enfin dans toutes les circonstances d’une importance extraordinaire, & sur l’ordre du Roi, ou l’invitation de l’Assemblée des Élus, & en outre réguliérement de vingt en vingt ans, cette même Assemblée sera remplacée par celle de tous les Syndics anciens en charge des différents Districts ; ou si l’on estime leur nombre trop considérable, on le réduira à moitié par le sort dans chaque Province immédiatement avant le départ des Députés, en réunissant les Districts voisins deux à deux, & prenant moitié des Syndics de l’un & moitié de ceux de l’autre dans des classes différentes. Par exemple, le premier sort indiqueroit que du District sur lequel il tomberoit, un Syndic Ecclésiastique, un Bourgeois & un Agriculteur seroient Députés à cette Assemblée Générale, avec un Syndic Noble & un Commerçant du District accolé avec celui-là : le second en tombant sur l’un de deux autres District, excluroit de la même Assemblée un Syndic pareillement de chacune des trois classes de Clergé, Bourgeoisie & Agriculture de ce District, & un de chacune des deux autres classes de l’autre District ; & ainsi de suite. Par ces mesures, & notamment cette alternative de sort positif & négatif, l’égalité & la proportion entre les Districts & les Classes seroit respectivement conservée, & les tentatives de l’intrigue déconcertées & confondues. Et si l’on adopte cette forme, chaque Syndic
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membre de l’Assemblée, en cas d’empêchement, y pourra être remplacé de droit, par celui de la même Classe & d’un District voisin, avec lequel il aura concouru dans le sort dont je viens de parler. Cette Assemblée qu’on pourra dire, avec raison, Nationale & représentative, les Députés des trois Provinces extérieures ou des Colonies pourront être admis en nombre, ou avec voix d’autant multiple de leur nombre ordinaire à voix simple en l’Assemblée biennale des Elus, que cette Assemblée Générale sera plus nombreuse que celle-là, c’est-à-dire vingt-quatre ou douze fois plus, selon que les Syndics anciens en charge seront tous convoqués, ou qu’ils seront réduits à moitié.
La tenue ce cette Assemblée Générale occupant seulement la moitié ou même le quart des Syndics en charge, rien n’empêchera que pendant sa durée, les Districts ne puissent être assemblés au premier avis, & même les tribus, si on le jugeoit nécessaire ; en sorte que les Syndics-anciens, présent à l’Assemblée Générale, pourront dans le temps le plus court se procurer toutes les instructions & les pouvoirs nouveaux dont ils auront besoin, & que dans le cas de mort, ou d’autre empêchement survenant, ils pourront être aussi-tôt remplacés, facilité qui rend évidemment la représentation & l’autorité de cette Assemblée beaucoup plus parfaites.
Tous les Princes du Sang Royal seront invités à cette Assemblée de la Nation, & même les Princesses non mariées jouissantes de leurs biens, & les Princesses Douairiaires mères d’un ou plusieurs enfants. Mais les Princesses y assisteront seulement par fondés de pouvoirs choisis dans la haute Noblesse, & qui prendront rang après les Princes.
Police d’Administration
On vient de voir comme la chaîne & l’organisation de l’Administration Provinciale & Nationale que j’ai annoncée. Je vais maintenant parcourir briévement les qualités qui seront requises dans les votants, la forme des convocations, celle de la tenue des Assemblées, leur durée, la manière & les regles des délibérations, les pouvoirs des différents degrés d’Assemblées, & leur autorité. Content d’indiquer les objets, je ne dirai qu’un mot sur chacun, mais j’espere qu’il suffira pour expliquer la possibilité & la grande utilité de ce systême.
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Votant.
Pour avoir voix élective & délibérative dans les Assemblées de Tribus, il faudra faire habituellement sa résidence réelle dans l’étendue de pays qu’embrasseront les limites de la Tribu. Il faudra de plus être François de naissance, ou naturalisé, faire publiquement profession de la Religion Catholique, être âgé de trente ans révolus, ou joindre à l’âge de vingt-cinq ans passés, la qualité de père d’un ou plusieurs enfants ; qualité qu’on sera censé conserver, quand même, après avoir à cause d’elle commencé d’user du droit de Voter, on viendroit à perdre ses enfants par mort naturelle ou civile. Il faudra n’être taché personnellement d’aucune condamnation judiciaire infamante; n’avoir point, au moins depuis quinze ans, porté les armes contre la Patrie; honorer le Roi, & lui être fidele ainsi qu’à la Nation; enfin il faudra n’avoir pas déjà voix dans une autre Tribu, & voter toujours en personne, ce que j’entends sans préjudice aux représentations nécessaires, & dont j’ai parlé, pour les Communautés Religieuses & autres semblables. Je croirois juste & sans inconvénient, d’accorder ce droit aux veuves âgées de quarante-cinq ans, & meres d’un ou plusieurs enfants contribuables, de la même Tribu qu’elles, & non actuellement votants ; sans que dans aucun cas elles pussent être élevées aux charges.

Convocations.

Chacun de ceux qui devront délibérer aux Assemblées ordinaires & extraordinaires, y seront invités par billets signés, savoir, dans les Tribus, par le plus âgé des Délégués, anciens en charge, & par un autre Délégué ou un Adjoint; & pour les Assemblées supérieures, par le premier des membres du Bureau, & celui qui sera les fonctions de Secrétaire. En outre à l’égard des Tribus, la convocation en sera annoncée par affiches publiques, avec indication du jour & de l’heure de l’ouverture. Au moyen de ces avertissements & indications, les Assemblées se tiendront entre les présents, sans attendre les absents, pourvu cependant à l’égard de celles de Districts & de Provinces, & de celle des Elus & celle Nationale, que les Membres présents forment au moins les deux tiers de ceux qui auront dû être, & auront effectivement été appellés.
Les Bureaux intermédiaires, soit de Districts, soit de Provinces, seront de même tenus pour complets ; & pourront
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agir comme en présence de tous les Membres, lorsque les deux tiers au moins se trouveront réunis, sans même qu’il soit besoin d’avis de convocation pour les Assemblées ordinaires & réglées.
Forme de tenue.
Les rangs dans les Assemblées des Tribus, seront distribués suivant les âges, d’abord entre les Délégués, secondement entre les Adjoints, troisiémement entre les votants, & quatriémement entre les Membres non votants, lesquels pourront assister à la fixation des contributions, quand la grandeur du lieu de l’Assemblée le permetra, ou du moins y seront appellés à mesure, pour être présents chacun à la fixation de leur contribution particuliere ; cette derniere disposition étant au reste la seule à suivre, à l’égard des femmes.
Dans les Assemblées supérieures, le Bureau de Présidence à l’égard des Districts & des Provinces, & les Princes en l’Assemblée des Elus, & en celle Nationale des Syndics, occuperont l’un des fonds de la Salle, qui formera un quarré long, ou un ovale; les Ecclésiastiques & les Nobles siégeront dans les côtés, près de ce premier fond, les premiers à droite du Président, & les seconds à gauche, les Bourgeois à la suite des Ecclésiastiques, sur le même côté ; les Commerçants à la suite des Nobles, vis-à-vis les Bourgeois ; & les Agriculteurs dans l’autre fond, vis-à-vis les Princesses, ou le Bureau de Présidence, Dans ce Bureau, & dans chaque classe, les rangs seront distribués aussi suivant le mode unique des âges, comme le moins susceptible de discussions, & le plus facile à certifier. Les rangs se compteront, dans les fonds de la Salle en descendant du centre vers les côtés, à droite & à gauche alternativement ; & sur les côtés, en descendant du fond destiné au Président, vers celui destiné à l’Agriculture. Dans l’Assemblée générale des Syndics, le Trône du Roi sera placé au milieu du rang du premier fond. Enfin, les Secretaires & les Scrutateurs auront leurs Bureaux au milieu de la Salle, les premiers plus près du haut ou premier fond de la Salle, & les seconds vers le bas. Je ne prétends point par cette distribution de rangs entre les classes, attribuer aucune supériorité à l’une sur les autres, mais l’ordre étant nécessaire dans toute assemblée nombreuse, j’ai pensé qu’aucune ne pouvoit mieux convenir.
Durée.
La durée des Assemblées de Tribus & de celles de Districts, sera bornée à un petit nombre de jours, & ne pourra
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être prolongée pour quelque cause que ce soit, sans une permission particuliere du Roi, ou de l’Assemblée Nationale, ou tout au moins du Bureau Provincial. En cas de contravention, les Membres du Bureau de présidence, c’est-à-dire, les Délégués & Adjoints, ou les Syndics & Pro-Syndics, seront amendés proportionnellement au nombre de jours de la prolongation ; sçavoir, quant aux Tribus, au profit du District, & quant aux Districts, au profit de la Province. Semblable peine aura lieu pour toute Assemblée de ces degrés, convoquée extraordinairement sans pareille permission, & en outre, le fait particulier de la convocation pourra être compté à cet égard, contre les Délégués ou les Syndics qui en seront les auteurs, comme six jours d’assemblée tenante illicitement; le tout indépendamment d’autre ou plus grande peine, pour tout ce qui auroit été fait de contraire aux loix dans ces Assemblées, suivant la griéveté des infractions, & contre chacun des coupables, qui seront jugés en la forme & par les Juges ordinaires.
Forme des Délibérations
Les voix seront toujours comptées par têtes, les élections tant ordinaires qu’extraordinaires, toujours faites au scrutin, les scrutins comptés, & les voix recueillies par trois Membres inséparables dans leurs fonctions & nommés au commencement de chaque assemblée, excepté le scrutin pour cette nomination, qui sera compté par les trois premiers Membres en séance.
Dans toute délibération quelconque, la pluralité pour être utile devra toujours embrasser au moins, sçavoir, un tiers des Membres délibérants, pour les élections & nominations, & pour les autres objets ordinaires ; moitié pour les réformes, loix sur des objets nouveaux & autres matieres extraordinaires, mais qui ne tendront pas à changer ou altérer quelque loi générale, ou coutume générale ayant acquis force de loi, aussi bien que pour toute question sur le degré de pluralité nécessaire ; & les deux tiers lorsqu’il s’agira de révoquer en tout ou en partie des loix vérifiées & reçues, ou des usages ou coutumes civiles pratiqués publiquement & sans réclamation depuis une époque déterminée, comme du commencement du siecle dernier. Lorsque la pluralité sera insuffisante, il y sera suppléé par un nouveau tour d’opinions ou de scrutins, sur les deux ou trois avis qui auront approché davantage de cette
Plus
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Plus, sur tous objets de législation civile ou criminelle, soit pour instituer ou pour abroger, il faudra qu’à la pluralité requise, soit de moitié, soit de deux tiers, se joigne le concours, non-seulement du Roi, comme l’exigent son rang & son autorité suprême, mais encore d’un Conseil Royal & National, composé des Princes du Sang & de Magistrats députés irrévocablement de tous les Parlements du Royaume, à raison de cinq pour chaque Province, comme je me propose de l’expliquer ailleurs.
Révocabilité des Députés.
Toute nomination faite par une Assemblée & dans les formes constitutionnelles, pourra être révoquée suivant les mêmes formes & par la même Assemblée lors de son retour périodique, sans autre condition qu’une pluralité au moins égale à celle qui l’aura produite; en sorte que le passage de l’exercice de nouveau Délégué, nouveau Syndic ou nouvel Elu, à celui d’ancien, sera moins une continuation de droit, qu’un renouvellement tacite & présumé de la premiere nomination. Toutes les nominations seront encore révocables, respectivement dans toute tenue extraordinaire des Assemblées qui les auront faites, mais à la pluralité de deux tiers des délibérants, & avec le concours de l’Assemblée inférieure d’où le sujet à révoquer aura été tiré. Je veux dire que hors des Assemblées périodiques, nul élu ne pourra être révoqué par l’Assemblée provinciale, sans le concours de celle de District où il étoit Syndic lors de son élection; nul Syndic par l’Assemblée de son District, sans le concours de la tribu dont il étoit délégué lors de sa nomination au Syndicat. Ce concours ne sera cependant pas nécessaire dans le cas suivant, où, comme on le va voir, il se trouvera remplacé par un autre également suffisant, pour écarter tout soupçon de partialité. Toute Assemblée autre que de tribu, qui, pendant sa tenue, & pour quelque démérite de l’un de ses Membres, postérieur à l’époque de son élection ou confirmation, ou demeuré inconnu jusques-là, le jugeroit capable de trahir les intérêts du l’Etat, ou de troubler sensiblement la liberté des délibérations, pourra, après l’avoir entendu pour sa justification, ou l’avoir mis en demeure de la fournir, & à la pluralité de deux tiers des voix, le suspendre du droit de vote, & même de celui de séance dans son sein, jusqu’à ce qu’il ait été, soit définitivement destitué, soit réintégré par l’Assemblée de degré
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inférieur qui l’aura député, & à laquelle à cet effet il sera donné aussi-tôt avis de cette suspension provisoire, avec communication des motifs. Enfin aucune révocation n’aura d’effet qu’autant que le Député sera remplacé aussi-tôt par un autre chargé d’achever son exercice.
Pouvoirs respectifs des Assemblées.
Il ne pourra rien être réglé ni ordonné de premiere autorité dans les Assemblées, ni dans les bureaux des tribus ni des Districts, si ce n’est pour la fixation & pour le recouvrement des contributions publiques. Mais on y exécutera & sera exécuter les réglements faits par la Province ou par la Nation, ou émanés de l’autorité royale, le tout soit sur les demandes & représentations des tribus & districts, soit autrement.
Les Assemblées de tribus se borneront à faire directement la répartition de l’impôt, & leurs Bureaux seront chargés de tous les détails préparatoires, ainsi que de veiller à ce que les contributions individuelles soient acquittées telles qu’elles auront été fixées, aux temps & lieux & de la maniere convenables, & d’informer des infractions les bureaux des Districts.
Les Assemblées de Districts auront encore pour objet ordinaire & principal, la répartition & la surveillance au paiement de l’impôt. Elles étendront cette surveillance sur les revenus & autres préposés à la perception. Elles y joindront l’examen des déclarations frauduleuses à ce sujet, & des fixations trop foibles, la condamnation des amendes & suppléments de contribution, les communications de District à District dans toute !a France, sur les facultés des contribuables, & les informations sur les modérations, remises ou secours à accorder à l’occasion d’accidents extraordinaires aux contrées ou tribus qui les auront éprouvés, sur les établissements & ouvrages à faire pour l’utilité publique, & sur les réformes importantes dans les corps & tribus de leur dépendance. Les Bureaux des mêmes Districts, outre les détails relatifs à ces objets, seront encore chargés des rapports à en faire aux Assemblées Provinciales, ainsi que de notifier aux tribus les Réglements & Arrêtés qui leur seront adressés par la Province, ou par la Nation, & les décisions du District sur les contributions.
Les Assemblées Provinciales avec la surveillance générale sur la répartition & la perception de l’impôt, & sur la discipline des Assemblées de Tribus & de Districts, auront la
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discussion & l’examen des demandes, observations & représentations des Districts, & l’administration intérieure de toute la Province pour les routes, canaux, rivieres, édifices & terreins publics, pour le soutien & l’accroissement tant de 1’agriculture, que du commerce & des manufactures; mais elles ne feront rien exécuter de ces objets d’administration, sans l’avis & le consentement des Districts où l’exécution s’en devra faire, ni à plus forte raison rien de ce qui pourra intéresser les provinces voisines, sans leur concours ou la décision de l’Assemblée générale des Elus. Les bureaux solliciteront ces concours & décisions lorsqu’il y aura lieu, & la sanction de l’autorité Royale dans les cas où elle sera nécessaire, & seront chargés généralement des communications ordinaires avec le Ministere, & avec les autres provinces, aussi-bien que des détails de discipline & d’administration. Combien ne seroit-il pas utile que ces Assemblées Provinciales, & même celles de Districts, eussent encore le droit & la charge de surveiller & d’inspecter sans cesse tous les établissements publics existants dans leur territoire, tels que l’administration intérieure & extérieure des Hôpitaux, les caisses de consignation, les greffes d’hypotheque & d’insinuation, les dépôts d’archives, &c. pour en découvrir & poursuivre par les voies ordinaires tous les abus & les prévarications ?
Dans l’Assemblée des Elus, on pourra traiter des rapports entre le Gouvernement & les Provinces, & à cet effet un ou plusieurs Commissaires du Roi y seroient introduits, pour proposer & exposer selon leurs instructions, mais sans assister aux délibérations, la liberté des opinions pouvant se trouver gênée par leur présence. On y conférera sur les intérêts réciproques des Provinces, & pour leur concorde mutuelle & le bien de toutes, suivant les pouvoirs que leurs Elus respectifs en auront reçus dans les Assemblées provinciales, & sur les propositions à faire, soit à toutes les provinces, soit à plusieurs ou quelqu’une en particulier, de nouvelles opérations, loix & autres dispositions publiques, sans y rien arrêter à cet égard de définitif & permanent. On y pourra voter & accorder, mais seulement à titre de provision & pour une année ou deux au plus, les secours & mesures que l’Assemblée reconnoîtroit à la grande pluralité, absolument nécessaires, à cause de circonstances qui n’auroient pas été prévues lors des Assemblées provinciales de l’année précédente.
Enfin elle aura pouvoir entier & suffisant pour convo-
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quer l’Assemblée générale de la Nation représentée par ses Syndics, & elle-même se formera en toute occasion pour délibérer sur cet objet, dès qu’elle y sera invitée par trois Provinces.
L’Assemblée des Syndics anciens en exercice, que j’appelle aussi Assemblée générale de la Nation, renfermant par son universalité & son plus parfait degré de représentation, une plénitude de pouvoir, je n’ai rien à en dire, sinon qu’elle réglera l’étendue de pouvoir de toutes les autres, & notamment de celle des Elus, qu’elle jugera sans appel les Ministres prévaricateurs ; & que réunie au Roi, elle créera, abrogera & réformera les loix ; en cas de minorité ou autre semblable circonstance, elle disposera de la régence, pour le choix de la personne & la modification de l’autorité ; en cas de défaillance de la maison régnante, elle décernera la Couronne.
F r a i s.
Je crois avoir suffisamment fait connoître le systême d’administration que je voulois proposer. Afin d’en réunir l’ensemble sous les yeux, autant qu’il est possible, je joins ici un état réduit en forme de tableau, de tous les Membres qui la composeront pour les Provinces locales du Royaume, & je ne demanderai plus qu’un moment au Lecteur, pour, en parcourant cette chaîne de représentation, calculer avec lui la charge pécuniaire qui doit en résulter. Si cependant on doit regarder comme une charge pour l’Etat, plutôt que comme une simple circulation, des rétributions compensatoires assignées à des Citoyens de toutes conditions & professions, pour les indemniser des soins qu’ils enlevent à leurs affaires particulieres, des rétributions par eux recueillies & consommées dans toutes les parties de la France, & presque entiérement répandues dans ses moindres parties, à mesure, & dans la proportion de l’impôt qui les doit fournir ; si l’on peut regarder comme frais onéreux, ceux destinés à l’entretien d’une constitution permanente, d’où résulteroient un juste équilibre, une énergie vive, un ordre clair, une union générale.
Pour vingt-quatre millions d’Habitants, dont 6000,000 contribuables.
60,000 Délégués, à raison d’un par 100 contribuables. Ce que les centuries d’Ecclésiastiques & de Nobles tenues pour complettes, quoique ne contenant que depuis 71 jusqu’à
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99 Membres, ajoutent un nombre des centuries, se compensera avec les excédents ou portions de centuries, qui, dans chaque tribu, de quelque classe que ce soit, ne seront pas comptés.
Environ 70000 Adjoints, la premiere centurie de chaque tribu devant en avoir deux.
Les fonctions de ces Délégués & Adjoints, dans leurs tribus respectives, devant être remplies dans les lieux de leur résidence, & ne devant presque point les troubler dans la gestion de leurs propres affaires, ne me paroissent exiger aucun dédommagement.
Les Délégués seuls auront quelquefois à se transporter au Bureau du District. Ils seront obligés de s’y rendre une fois l’an pour l’Assemblée. Les Districts pourront avoir au plus 80 lieues quarrées d’étendue commune & moyenne, ou 9 lieues de diamètre. Cela se réduit pour tous les lieux du District, à l’égard de celui de l’assemblée & du Bureau, à une distance moyenne de deux lieues & demie. Les assemblées d’ailleurs seront, comme je l’ai dit, bornées à un petit nombre de jours. En comptant à chacun 10 livres pour chaque journée d’absence de sa demeure, & en outre 20 sols par lieue pour aller, comme pour le retour, & en supposant qu’ils se rendront tous au Bureau à chaque quinzaine, je vois que les remises à leur faire, ne reviendroient pas à 200 livres pour chacun, ce qui fait pour tous..12,000,000 l.
Environ 10,500 Syndics & Pro-Syndics, à raison de 500 Districts, & de 10 Syndics & 11 Pro-Syndics pour chacun.  
Ils devront s’assembler au Bureau, de quinzaine en quinzaine, & présider à l’assemblée générale, pendant toute sa durée. S’ils se trouvoient tous à distance égale du Bureau, 450 liv. à chacun les indemniseroient entiérement. Ce seroit en total 4,725,000 l.
2500 de ces Syndics, comme anciens en exercice, devront se rendre une fois en deux ans à l’Assemblée Provinciale.  
L’étendue moyenne des Provinces sera d’environ 2000 lieues quarrées, ou 45 lieues de diamètre; ce qui donne 12 lieues de distance moyenne, de tous les endroits de la Province au lieu de l’assemblée. Sur l’hy-  
 
16,475,000 l.
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De l’autre part 16,745,000 l.
pothese de cette distance, de deux jours & demi de voyage (à raison de 10 lieues par jour) & de vingt-cinq jours d’assemblée, je trouve qu’en les compensant les uns pour les autres, 300 liv. pour chacun, formeront leur indemnité. Ce sera en total 750,000 liv. équivalent d’une charge annuelle de 375,000 l.
Environ 440 Elus & Pro-Elus se rendront respectivement aux bureaux de leurs Provinces, une fois par mois, y passeront chaque fois un jour ou deux, & présideront l’assemblée biennale : le tout, réduction faite des frais de l’assemblée en charge annuelle, reviendra à 850 liv. pour chacun à partage égal, & en totalité à 374,000 l.
105 de ces Elus s’assembleront tous les deux ans au centre de la France : comme ce Royaume contient 42000 lieues superficielles, ayant environ 205 lieues de diametre moyen, qui reviennent à 52 lieues de distance commune & moyenne de tous les endroits à un déterminé, en supposant d’ailleurs à l’assemblée 40 jours de durée, ce sera pour le tout 63000 liv. qui feroient à parts égales, 600 liv. pour chacun des Elus anciens en exercice, & la somme totale divisée entre les deux années, produira pour charge annuelle 31500 l.
Enfin, tous les 20 ans, la moitié des Syndics anciens en exercice, (je présume qu’on s’en tiendra à cette moitié ; si on les convoquoit tous, il faudroit compter sur le double de la somme qui va être tirée ;) cette moitié montante à 1250 s’assemblera vers le centre de la France. En supposant qu’ils restent 80 jours assemblés, il en coûtera pour les indemniser, 1,250,000 livres, qui, distribuées sur un période de 20 années, reviennent à 62500 liv. pour chacune, sans avoir égard à l’épargne qui peut résulter de la réunion des vingt années en une, par les intérêts accumulés. De plus, comme cette as-  
 
17,505,000 l.
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Ci-contre 17,505,000 l.
semblée tiendra lieu de celle des Elus, il y auroit à distraire le montant des frais de celle-ci, mais je le laisse pour acquitter les frais extraordinaires de préparatifs 62,500 l.
J’ajoute, 1°. pour les Employés que j’estime nécessaires pour aider les Bureaux de Districts & des Provinces dans leurs travaux, savoir : pour 2380 Commis des Districts, à raison de cinq pour chaque, dont un à 2400 liv., trois à 600 liv. chacun, & un à 300 livres 2,132,000 l.
Et pour 252 Employés de Provinces, à raison de douze pour chacune, dont deux à 300 liv., quatre à 600 liv., quatre à 1200 liv., un à 3000 livres, & un à 9000 livres 315,800 l.
Et, 2°. pour commis surnuméraires, pour entretien de Bureaux & de Salles, & autres objets, 1,984,200 l.
total   
22,000,000 l.
J’observe qu’il y aura toujours quelque chose à diminuer sur ces frais, puisque j’ai supposé que tous les Officiers assisteroient à toutes les Séances d’assemblées & de Bureaux. Cependant il y en manquera nécessairement souvent quelques-uns, dont l’indemnité pour chaque fois, demeurera alors réservée. Au surplus, je ne crois pas que ces frais, quand on les augmenteroit encore, & qu’on les porteroit à 35,000,000 l. ; je dis plus, quand on les tripleroit, je ne crois pas qu’ils paroissent trop considérables, à qui remarquera qu’une administration ainsi organisée, en répartissant équitablement les contributions, les percevra plus sûrement que toute compagnie de finance, quoiqu’avec bien plus de douceur, & à qui les comparera (ces frais) avec les sommes incalculables que coûte dans la forme actuelle la perception de nos impôts sans nombre ; impôts vexatoires, impôts que l’Administration dont je parle feroit presque tous disparoître.
 
Si ce systême d’Administration obtenoit l’assentiment de mes Concitoyens, jusqu’à leur en faire desirer l’exécution, je les conjure par leur amour pour notre Patrie désolée, de ne pas s’arrêter à des difficultés imaginaires sur son établissement. Que les Etats-Généraux forment eux-mêmes la divi-
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sion des Provinces : les Députés qui se trouveront appartenir à chacune, en composeront provisoirement l’Assemblée Provinciale, la subdiviseront en Districts, & nommeront à chacun, jusqu’à dix Syndics, moitié pour un an, & moitié pour deux, en les choisissant à raison de deux dans chaque classe, & se comprant eux-mêmes les premiers pour les Districts où ils auront leur domicile : ces Syndics avec un pareil nombre de coopérateurs qu’ils s’associeront, dresseront des rôles de tous les Citoyens de leur District, qu’ils estimeront devoir être regardés comme contribuables, & tous les registres d’impositions, de Communautés, & autres semblables leur seront à cet effet communiqués. Tous les Citoyens payant actuellement, ou pouvant payer quelque imposition, seront tenus de se faire enregistrer par ces Syndics & Pro-Syndics provisoires, dans des délais, & sous des peines réglées d’avance par le Roi & les Etats-Généraux. Les tribus étant formées, s’assembleront aux jours & dans les lieux qui seront indiqués par les Syndics, pour élire des Délégués & Adjoints, qui commenceront aussi-tôt à remplir les fonctions assignées à ces charges. L’année suivante, ces Délégués s’assembleront par Districts, & nommeront des Syndics & Pro-Syndics, qui se joindront à une partie des Syndics provisoires, aussi élus & désignés par les Délégués. On fera de même pour les Assemblées Provinciales, en sorte qu’en trois ans tout le systême se trouvera composé & organisé suivant les regles & les proportions ci-devant expliquées. Alors une assemblée générale & extraordinaire de la Nation représentée par ses Syndics, consolidera cette constitution, & indiquera les travaux de réforme & de perfection, qui doivent être, pour ainsi dire, maniés & préparés par toute la Nation, & avec temps & maturité. Enfin, en mil huit cent se tiendra la premiere Assemblée générale ordinaire, qui sanctionnera ce grand ouvrage par des loix puissantes & combinées.