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Correspondance Littéraire Secrete. |
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M. Necker pénétré des principes de Colbert avoit travaillé à son éloge avec plaisir : le génie de ce Ministre l’a animé encore dans la composition d’un ouvrage sur la Legislation & le Commerce des grains. Cette matiere si importante par elle-même fixe l’attention de tout le monde en ce moment où une societé de philosophes l’ont choisie pour objet principal de leurs travaux & où l’administration paroit s’en occuper plus particulierement d’aprés de nouveaux principes. Le peuple toujours pressé de juger & surtout disposé à blâmer les operations du Gouvernement, prêt à se porter à tous les excès lorsque son imagination conçoit quelques alarmes sur sa nourriture premiere, attribue à de facheuses suites de la révolution dans le systême du Gouvernement sur le commerce des grains, le renchérissement actuel du pain qui n’en est peut-être que l’effet momentané. Cet instant étoit favorable au succès d’un ouvrage dont l’objet est de combattre les idées adoptées par le Ministère : aussi celui que je vous annonce sort à peine de la presse & il a déjà la plus grande célébrité. Il contient 420. pages in 8°. Voulant me presser de vous en donner une idée, je n’ai pu que le parcourir à la hâte. L’auteur y expose sa façon de penser avec une moderation qui dans ce siecle n’est pas un petit mérite mais qui n’ote rien à la liberté dont le Ministere laisse jouir ceux qui veulent publier des idées inspirées par l’amour du bien. |
La population que M.N. fait monter en France à 24. millions d’hommes, y est selon lui , la source des richesses & sans doute à ce dernier égard, vous serez ainsi que tous les gens sensés, de son avis, mais ce que vous aurez peut-être peine à croire, c’est que depuis dix ans ce Royaume est devenu possesseur de près de la moitié des métaux qui se sont amassés en Europe pendant cet intervalle. Ce calcul est fondé sur ce que depuis dix ans l’un dans l’autre, la France a monnoyé 43. millions par an : en y joignant 7. millions convertis en vaisselle, bijoux &c., on aura la moitié de cent millions restant net des sommes importées chaque année d’amerique en Europe, déduction faite de celles qui passent annuellement dans les Indes ou à la Chine. Or M. N. cherche à insinuer qu’un pays agricole doit contenir autant d’hommes qu’il en peut nourrir par le bled qu’il produit, & que comme le plus haut point de cul- |
propose cette limite parce qu’il est naturel que le prix commun soit au dessus de celui qu’on a fixé pour la sortie. C’est à dire, pour bien apprécier son systême, parceque, selon ses principes, l’exportation est dangereuse à moins d’une surabondance de grains qui ne peut avoir lieu que dans le cas très rare d’une longue suite de bien bonnés années. 3o. N’établir cette loi que pour 10. années, parceque dans cet espace de temps, l’accroissement de l’argent en Europe ou des événemens imprévus peuvent changer d’une manière sensible, les proportions qui subsistent aujourd’hui entre les circonstances essentielles qui composent l’ordre social. 4o. Ordonner qu’il y eut une provision modique dans les mains des Boulangers depuis le premier fevrier jusqu’au premier Juin. La réflexion d’après laquelle M. Necker insiste sur cette condition, est que les hazards sont terribles en matiere de subsistance. Il pense que cette précaution presente une sauvegarde importante contre les abus possibles de la liberté interieure &c. 5o. Permettre dans toutes les circonstances l’exportation des bleds venus de l’étranger. Je ne me suis pas permis, M., de discuter & encore moins de réfuter les propositions de M. N c’est une tache que M de Condorcet s’est chargé de remplir & dont il s’occupe maintenant. Mon empressement d’ailleurs ne m’a pas laissé le temps de faire une analysie aussi approfondie que cet ouvrage le mérite. Je desire que cette esquisse legere tracée à la hate vous en donne une idée convenable. M. Necker y paroît en tout point oppose aux principes du systême actuel & n’approuver gueres plus ceux qu’ils ont remplacés. Voici un de ses preceptes qui renferme une critique honnête & moderée. “Dans tous les pays où le peuple sans être abruti par l’esclavage, ne se mêle ni des loix ni des affaires, il est difficile de raisonner avec lui & dangereux de lui commander sans ménagement. Il faut le conduire comme un enfant sensible, employer avec lui plus de dexterité que de force, l’habituer avant d’ordonner, l’amener & non le contraindre.”&c. |
Les marchands d’Eau-de-vie & Distillateurs de cette Ville ont été chez les Célestins pour les saisir, sur ce que ces bons moines alloient sur leurs brisées en distillant tant qu’ils pouvoient. Les Officiers saisissans n’ont pas eu beau jeu, car la République frocquée les a renfermés & les détiendroit encore si le Lieutenant de Police ne se fut transporté au Couvent pour leur procurer la liberté. Cette aventure va nous amener encore trois Procès & des Mémoires. Procès de la part des jurés ou Officiers Distillateurs qui ont été maltraités& procès de la Communauté & procès des fermiers du Roi à cause de la fraude des Droits dans les operations cachées entre les murs du Couvent. |
J’ai l’honneur d’être &c. |