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doit son succès au jeu de Mlle Gaussin, et qui est beaucoup plus vantée qu’elle ne vaut, vient de donner un second volume de ses Essais historiques sur Paris. Cet ouvrage est curieux et amusant.

Passe-temps des mousquetaires, ou le Temps perdu 1. Contes en vers fort libres, et, par-dessus le marché, fort mauvais.

Recueil général historique et critique de tout ce qui a été publié en Italie de plus rare sur la ville d’Herculanum 2. Ce recueil est fait sans goût et sans soin par un homme qui avait sans doute besoin de quelque argent.

— Si vous avez envie de lire un recueil d’amplifications de rhétorique ou de thèmes de collège, vous lirez les Considérations sur les révolutions des arts, par M. de Mehégan 3. Pour traiter ce chapitre, il faut avoir beaucoup de philosophie, l’esprit mûr, une bonne tête et de bons yeux.

— Il paraît depuis un mois un ouvrage attribué à M. de La Beaumelle, qui n’a fait aucune sensation à Paris, heureusement pour l’auteur à qui il pourrait bien valoir un logement à la Bastille s’il était plus connu. Le titre en est fort beau, et c’est quelque chose : le Code de la nature. Si M. de La Beaumelle en est l’auteur, on peut dire qu’il sait mieux faire des libelles que des codes. Quel titre ! et combien il faut de méditation, de recueillement, de vertu et d’âme, combien de profondeur dans l’esprit, combien d’élévation et de simplicité dans le cœur pour être l’interprète du Code de la nature ! C’est le vertueux et l’éloquent citoyen de Genève, Jean-Jacques Rousseau, qui serait digne de faire un tel ouvrage. Notre auteur commence son code par l’extrait d’un poème épique intitulé la Basiliade, dont je n’ai jamais ouï parler. Jugez ce qu’on peut attendre d’un homme qui commence le Code de la nature de cette façon. Tout ce qu’on s’en promet, l’auteur le tient bien, c’est-à-dire qu’il n’y a ni principes, ni raison, ni lumière dans son livre. L’histoire de l’exil du Parlement y est contée d’une manière fort indécente.




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nous a donné l’Histoire de Charles VI, et qui vient de nous donner celle de Louis XI, mettra nos petits auteurs en train de nous donner des histoires de nos rois. Celle de Louis XII est de M. l’abbé de Méhégan, qui nous donné, il y a quelque temps, un recueil de thèmes de collège sous le titre de Considérations sur les révolutions des arts. Il a bien l’air de vouloir grossir le nombre de ces barbouilleurs de papier qui restent ensevelis dans la rue Saint-Jacques, et qui, occupant sans cesse les presses de leurs écrits, ne peuvent parvenir à occuper le public d’eux un instant, et ne sortent de leur sombre demeure que pour aller à la foire de Francfort, ou pour passer dans nos îles en Amérique, chercher une réputation qu’ils n’ont pu usurper ici. M. l’abbé Lambert, un de nos plus impitoyables compilateurs, vient de donner ainsi incognito l’Histoire de Henri II 1. Si vous lisez les ouvrages historiques de Mlle de Lussan, vous vous amuserez beaucoup des détails militaires et de guerre, qui y sont rendus le plus gauchement et le plus plaisamment du monde.

— On a donné en deux petits volumes les Lettres de Louis XIV aux princes de l’Europe, à ses généraux, ses ministres, etc., recueillies par M. Rose, secrétaire du cabinet, avec des remarques historiques par M. Morelly2. Ce n’est qu’un recueil de formules qui n’a rien d’intéressant, et qui n’est d’aucune utilité pour l’histoire.

— On vient de nous donner en deux volumes in-douze des Tablettes géographiques pour l’intelligence des historiens et des poètes latins 3. Le caractère, le papier, l’impression, tout est fort beau et fort élégant. L’auteur de ces Tablettes voudrait imiter la correction et l’élégance des Elzévirs. Son entreprise est très-louable et son ouvrage très-commode. Il est impossible d’apprécier tout de suite le mérite d’un tel ouvrage, où il question d’érudition et d’exactitude; mais pour peu qu’il soit fait avec soin, les fautes qui y restent ne lui ôtent pas le mérite d’être utile.

— On a réimprimé en trois volumes les Mémoires de Michel