[23] CHAPITRE IV Des marchés ou des lieux où se rendent
ceux qui
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CEUX qui ont des échanges à faire se cherchent, et ils parcourent la peuplade : cest la première idée qui soffre à chacun deux. Mais ils ne tarderont pas à connoître les inconvéniens de cet usage. Premièrement, il leur arrivera souvent de ne pas se rencontrer ; parce que celui chez qui on viendra, sera allé chez un autre, ou chez celui même qui le venoit chercher. Ils perdroient bien du tems dans ces courses. |
Marchés. |
En second lieu, il leur arriveroit encore de se rencontrer, et de ne rien conclure. Après bien des altercations, ils se sépareroient et recommenceroient leurs courses, chacun dans lespérance de faire avec un autre un échange plus avantageux. En suivant cette pratique, il leur sera donc bien difficile de convenir du prix respectif des denrées. |
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Tôt ou tard lexpérience leur fera sentir ces inconvéniens. Alors ils chercheront, à-peu-près [24] au centre de la peuplade, un lieu où ils conviendront de se rendre, chacun de leur côté, à des jours marqués, et où lon apportera les denrées dont on se proposera de faire léchange. Ce concours et le lieu où il se fait se nomment Marché, parce que les marchés sy proposent et sy concluent. |
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On expose donc, dans le marché, toutes les denrées destinées à être échangées ; chacun les voit, et peut comparer la quantité de lune avec la quantité de lautre. En conséquence, on se fait réciproquement des propositions. |
Comment on y règle le prix de chaque chose. |
Sil y a beaucoup de bled et peu de vin, on offrira une moindre quantité de vin pour une plus grande quantité de bled ; et, sil y a peu de bled et beaucoup de vin, on offrira une moindre quantité de bled pour une plus grande quantité de vin. |
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En comparant de la sorte les denrées, suivant la quantité qui sen trouve au marché, on voit à-peu-près dans quelle proportion on peut faire les échanges, et alors on nest pas loin de conclure. Aussi tôt donc que quelques-uns seront daccord sur la proportion à suivre dans leurs échanges, les autres prendront cette proportion pour règle, et le prix respectif des denrées sera déterminé pour ce jour-là. On dira, par exemple, que le prix dun tonneau de vin est un septier de bled, et que le prix dun septier de bled est un tonneau de vin. |
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[25] Je ne considère que la quantité, parce que je veux simplifier. On conçoit assez que la qualité doit mettre de la différence dans le prix des denrées. Il faut seulement remarquer que la qualité ne sappréciant pas comme la quantité, les marchés seront plus difficiles à conclure ; et quen pareil cas, lopinion aura sans doute beaucoup dinfluence. Mais enfin on conclura, et de quelque qualité que soient les choses, elles auront, pour ce jour-là, un prix déterminé. |
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Si le prix du bled a été haut par comparaison à celui du vin, on en apportera davantage au marché suivant, parce quon se flattera dun échange plus avantageux ; et par une raison contraire, on apportera moins de vin. |
Comment les prix varient d'un marché à l'autre. |
Dans ce marché, la proportion, entre le bled et le vin ne sera donc pas la même que dans le précédent. Il y aura beaucoup de bled et peu de vin ; et comme la grande quantité fera baisser le prix de lun, la petite quantité fera hausser le prix de lautre. |
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Les prix varieront, par conséquent, de marché en marché. |
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Sans doute, ce seroit un avantage, pour la peuplade que les denrées eussent toujours un prix déterminé et fixe : car les échanges se feroient sans discussion, promptement et sans perte. Mais cela nest pas possible, puisquil ne peut pas y avoir toujours la même proportion entre les denrées, soit quon les considère dans les maga-[26]sins où les propriétaires les conservent, soit quon les considère dans les marchés où on les apporte. |
Il seroit inutile et même dangereux de vouloir empêcher ces variations |
Si les variations sont peu considérables, elles seront presque insensibles. Alors elles nauront point dinconvéniens, ou elles nen produiront que de bien légers, quil seroit inutile dempêcher. Peut-être même seroit-il impossible de les prévenir, et dangereux de le tenter. Nous verrons ailleurs que le gouvernement portera coup à lagriculture et au commerce, toutes les fois quil entreprendra de fixer le prix des denrées. |
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Si les variations sont grandes et subites, il en résultera de grands inconvéniens. Car le trop haut prix dune denrée mettra ceux qui en ont besoin dans la nécessité de faire des échanges désavantageux, ou de souffrir pour navoir pas pu se la procurer. |
Les variations grandes et subites ont de grands inconvéniens |
Ces variations, grandes et subites, arriveront lorsquune récolte aura tout-à-fait manqué. Cest ce quon préviendra en faisant. dans les années de surabondance, des provisions pour les années de disette ; et on en fera. Lexpérience éclairera la peuplade sur cet objet. |
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Ces variations arriveront encore dans les marchés, lorsquon y apportera beaucoup trop dune denrée, et trop peu dune autre : mais cet inconvénient ne se répétera pas souvent, si chacun a la liberté dapporter au marché ce quil veut, et la quantité quil veut. Cest encore là un objet sur lequel [27] lexpérience donnera des lumières. En observant les prix dans une suite de marchés, et les causes de leur variation, on apprendra lespèce de denrée et la quantité quon y doit porter pour les échanger avec avantage, ou avec le moindre désavantage possible. Les différentes denrées, exposées au marché, conserveront donc entre elles les mêmes proportions, ou à-peu-près, et les prix par conséquent varieront peu. |
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Ils varieront dautant moins, que lexpérience ayant appris aux colons ce qui se consomme de chaque chose, ils en feront croître dans cette proportion ; et ils nen porteront au marché quautant, ou à-peuprès, quils présumeront devoir en échanger. Ils se conduiront à cet égard daprès les observations quils auront faites. |
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On voit donc quen général les prix se régleront sur la quantité respective des choses quon offrira déchanger. |
Comment ils se règlent lorsque le Commerce jouit d'une liberté entière. |
On voit encore que les prix ne peuvent se régler que dans les marchés, parce que cest-là seulement que les citoyens rassemblés, peuvent, en comparant lintérêt quils ont à faire des échanges, juger de la valeur des choses relativement à leurs besoins. Ils ne le peuvent que là, parce que ce nest que dans les marchés que toutes les choses à échanger se mettent en évidence: ce nest que dans les marchés quon peut juger du rapport dabondance ou de rareté quelles ont les unes avec les autres ; rapport qui en détermine le prix respectif. |
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[28] Cest ainsi que les prix se régleront constamment, dans le cas où chacun aura, comme je lai dit, la liberté dapporter au marché ce quil veut, et la quantité quil veut. Nous traiterons ailleurs des inconvéniens qui naîtront du défaut de liberté. |
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