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CHAPITRE III

De la variation des prix.

 

NOUS venons de voir que le prix est fondé sur la valeur. Or, la valeur varie, le prix doit donc varier. Il y a plusieurs causes de cette variation.

Le prix des choses varie.

D’abord, il est évident que l’abondance et la rareté font varier le prix, comme la valeur, et le font varier en raison du besoin plus ou moins grand.

1°. En raison de l'abondance et de la rareté.

En second lieu, il se peut encore que le prix des choses varie, dans le cas même où la peuplade a la même abondance et les mêmes besoins.

2°. En raison de la concurrence.

Supposons qu’après la récolte j’aye dans mes greniers tout le bled surabondant, et qu’au contraire le vin surabondant soit distribué dans les celliers de douze personnes, qui ont toutes besoin de mon bled.

Dans cette supposition, ces douze personnes viennent à moi pour échanger du vin contre du bled, et, parce que l’année dernière j’ai cédé un septier pour un tonneau, elles m’offrent chacune un tonneau pour un septier. Mais, l’année dernière, je ne traitois qu’avec une seule personne, et j’ai été forcé de céder plus de bled ; [22] aujourd’hui que je puis traiter avec douze, et que je n’ai pas besoin de tout le vin dont elles veulent se défaire, je déclare que je ne livrerai du bled qu’à ceux qui me donneront une plus grande quantité de vin. Par-là je les force à me faire, à l’envi, des offres plus avantageuses. Par conséquent, mon bled sera à plus haut prix pour elles, et leur vin sera à moins haut prix pour moi.

Si on supposoit le bled surabondant distribué dans les greniers de douze personnes, et au contraire tout le vin surabondant renfermé dans les celliers d’une seule, alors le prix ne seroit plus le même que dans la première supposition : car celui du bled baisseroit, et celui du vin hausseroit.

Lorsque plusieurs personnes ont besoin d’échanger une denrée, cette concurrence en fait donc baisser le prix ; et le défaut de concurrence fait hausser le prix de la denrée qu’elles veulent se faire livrer. Or, comme la concurrence est plus grande, moins grande, ou nulle, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, il arrive que les prix haussent et baissent alternativement.

De cette variation, il en résulte qu’il n’y a point de prix absolu.En effet, toutes les fois que nous parlons de prix haut et bas, c’est que nous comparons l’une à l’autre deux choses qu’il s’agit d’échanger : le vin, par exemple, par comparaison au bled, sera à haut prix, si nous [23] en donnons peu pour une grande quantité de bled, et le bled sera à bas prix. Dans le cas contraire, le prix du bled sera haut, et celui du vin sera bas.

Les choses n'ont donc pas un prix absolu.