TROISIEME PARTIE.
ÉVÉNEMENTS PUBLICS ET TRAITS DE BIENFAISANCE.
N°. PREMIER.
THESES [sic] | soutenue en Suède, à l'Université d'Upsal, traduite par M. le Chevalier de MIRABEAU, second fils de l'Ami des Hommes. |
Nos Lecteurs, qui sont instruits des soins que se donnent [170] le Roi de Suede, & son digne Ami M. le Comte de Scheffer, pour fonder sur une bonne instruction la prospérité de leur Patrie, seront moins surpris qu'édifiés a la lecture de l'Ouvrage suivant, Ils y trouveront un abrégé de la Doctrine Economique dont le Monarque & le Ministre paroissent faire une étude approfondie.
Si le malheur des temps, & les embarras qui résultent de l'ancienne Législation, empêchent quelquefois de suivre, dans la pratique, les maximes les plus claires & les plus salutaires, il ne faut pas imputer aux personnes des inconvé-[171]nients qui naissent de l'état des choses.
Sans doute qu'aux premieres occasions les maux seront tous réparés, & l'ordre rétabli dans son intégrité.
[173] | P R É F A C E . |
LE résultat de mes réflexions sur les différentes vicissitudes des sociétés civiles, & la misere qui en est presque toujours le fruit, fut d'apprendre qu'il falloit en chercher la principale cause générale, dans l'ignorance & l'erreur ; convaincu de cette vérité, je consultai les écrits des savants en ce genre, dans l'intention d'y chercher un remede égal au mal qu'il falloit détruire ; j'y trouvai de lumineux essais sur cette matiere, faits par ceux qui se sont efforcés d'une maniere aussi louable que difficile, d'augmenter & d'étendre les connoissances importantes à la félicité publique. Néanmoins les sociétés conservent toujours la même marche; élevées peu-à-peu, d'une origine [175] obscure, au plus haut [sic] période de grandeur, elles marchent ensuite vers leur destruction ; c'est ce qui a fait dire à plusieurs, que leur destin établi par la nature, étoit le même que celui des corps organisés ; c'est-à-dire, jouir de quelque instant de vie, qui doivent aboutir à l'anéantissement : j'ai peine à me ranger de ce sentiment ; il fait peu d'honneur à l'humanité, parcequ'il ma [sic] paroît qu'ayant reçu de Dieu la faculté de discerner le bien d'avec le mal, & d'après l'expérience & l'erreur de tant de siecle, on peut trouver des moyens sûrs d'opérer la félicité publique.
J'ai donc lu, avec le plus grand plaisir, quelques livres François, sur-tout les Ecrits de MM. François Quesnai, le Marquis de Mirabeau, de la Riviere & autres, qui exposent avec clarté l'ordre naturel, qui peut seul amener le salut pu-[177]blique [sic] & l'état le plus florissant des sociétés ; cette doctrine ne peut que gagner à la discussion, c'est pourquoi, j'espere être reçu favorablement de mes lecteurs, en proposant dans ma These Académique, quelqu'une des conséquences de cette science.
Ce qui me paroît le plus agréable, est d'avouer mon peu d'érudition dans ce genre d'étude ; mais j'ai reconnu que si nous aimons vraiment nos semblables, nous devons aussitôt que nous connoissons une vérité qui peut leur être utile, la rendre publique, pour l'assujettir à la discussion, j'espere donc qu'on voudra bien avoir de l'indulgence pour mes innocents efforts.
[179] | D. D. |
§. I.
Comme il est ordonné par la nature à l'homme, de se procurer par le travail les choses qui lui sont nécessaires, sous peine de souffrance, & même de mort & par l'appas d'une vie plus heureuse qui lui est accordée à ce prix par le Bienfaisant Créateur ; il est d'absolue nécessité, qu'il ait droit de disposer, à son gré, non-seulement de ses facultés naturelles, mais même de choses acquises par son travail, sans blesser toutefois en aucune façon le droit d'autrui ; car les droits & les devoirs ont une relation mutuelle entr'eux, & établissent entre les hommes une justice nécessaire, fondée sur des loix expresses, même avant le commencement de la vie sociale ; car les loix n'ont d'autre but, que de mettre chacun en état de défendre de son mieux ses droits, & de les employer à son usage ; on [181] ne peut donc établir de loix à volonté, mais on doit toujours conserver l'ordre naturel qui rend dans la société tous les droits sacrés, par l'obligation de remplir tous les devoirs, & fait participer tous les membres de la société, aux avantages que l'on peut acquérir.
Dans l'état naturel, chacun jouissoit du droit d'acquérir du bien par le travail; mais les fruits spontanés de la nature une fois recueillis, il ne restoit plus rien à l'homme à se procurer ; or, pour obtenir plusieurs jouissances licites, il lui fallut l'incitation de la nature, améliorer sa situation & chercher la nourriture d'une nombreuse famille, en etablissant la culture artificielle de la terre ; mais la culture ne peut être établie, qu'après avoir purgé la terre, l'avoir préparé par le fouillage & le labourage, avoir élevé les édifices, & fait toutes les aisances préparatoires, qui furent en grand nombre. Lors donc qu'un homme a employé sur un fonds de [183] terre, son travail & les richesses qu'il avoit acquises à d'autre travail, il est incontestable que la propriété lui en est acquise, & qu'il n'est pas moins injuste que contraire aux vues de la,nature, qu'il soit privé de ses droits énoncés ci-dessus ; donc il est aussi nécessaire qu'il puisse accepter le genre de cahure qu'il lui plaît, & louer, changer ou vendre à volonté, en respectant les droits établis sur un contrat libre.
Le propriétaire peut donc comme bon lui semble, ou cultiver lui-même sa terre ou en permettre sous condition la culture à d'autres, pour n'être pas chargé des dépenses qu'entraîne la culture ; car ces autres ont des avances d'agriculture à faire, comme le propriétaire. Les unes sont celles que l'on doit faire avant la premiere culture, comme les chevaux & les instruments nécessaires, & les autres, celles qui doivent se renouveller tontes les années; on appelle celles du premier genre, les avances primiti-[185]ves, celles du second, les avances annuelles ; or le cultivateur doit retirer ses avances, de peur qu'en les diminuant, la reproduction ne diminue, & avec elle la population, la force & le bonheur de la société ; & comme l'agriculture est exposée à des cas fortuits, qui d'un seul coup peuvent priver le cultivateur du fruit de son travail, & détruire les avances; il doit chaque année mettre à part le double intérêt des avances primitives, pour servir à leur entretien, & obvier aux cas fortuits ; ces rentrées doivent être sacrées pour le cultivateur, & tout autre usage doit en être interdit.
Ce qui reste, les avances prélevées, appartient au propriétaire, il peut en disposer à volonté ; plus ce produit sera considérable, meilleure sera la condition du propriétaire, & plus il sera excité à augmenter ses dépenses en ce genre, au grand profit de l'agriculture, & de la félicité publique qui en dépend.
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Il est à desirer que la production & la distribution puissent être établies aux moindres frais possibles, cela ne se peut, que par la plus grande émulation entre ceux qui travaillent ; car un chacun pour l'emporter sur ses concurrents, prête la plus grande attention à son travail, cela sera avantageux à l'utilité publique. Pour exiter [sic] cette émulation, il est besoin de la plus grande liberté & sûreté, pour que chacun ait son droit sacré sur sa faculté naturelle ; celles acquises par son travail, sa propriété, & les fruits qu'il en retire, & qu'il jouisse tranquillement de ses richesses, les droits de la propriété prélevés. En effet, en ôtant la liberté, on annulle en même temps tous les avantages déja énumérés de l'agriculture, & on commet un crime de lèze-majesté Divine, en déclarant aussi injustement la guerre au genre humain, & transgressant les devoirs établis, par le décret du Créateur ; donc la liberté publique d'user des droits particuliers [189] de propriété, exige l'entiere sûreté, & nous interdit tout usage de nos facultés, contraire aux droits des autres ; car il est très certain que la liberté ôtée, il n'existe pas de propriété, & refuser la sûreté, c'est ôter la liberté.
Pour obtenir cette liberté dans la jouissance des droits de leur propriété, les hommes sont convenus de réunir leurs forces pour se défendre réciproquement, & ce maintien des propriétés, forme l'objet principal de la propriété publique; or, les hommes se procurant mutuellement cette sûreté, leur état en société leur est beaucoup plus avantageux qu'isolés ou chacun seulement défend ses propres droits, de-là vient la nécessité d'une puissance, à laquelle se réunissent les forces & les volontés des associés, & qui par-là, soit suprême & unique.
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Mais cette puissance n'est point établie pour faire de nouvelles loix à volonté ; mais pour expliquer & promulguer la loi de la nature indiquée par le Créateur, qui défend nos droits, en déterminant nos devoirs, & procurer par son autorité, une vie qui y soit conforme ; mais pour empêcher que les loix s'éloignent plus ou moins de cet ordre naturel, il est besoin d'un jugement, je veux dire, d'une connoissance distincte des loix naturelles, pour lequel il est besoin de statuts politiques ; car la connoissance de la nécessité, & de la justice des loix, engage les hommes à les suivre fidellement ; les Princes à la disposition desquels est confiée toute la puissance du principe, doivent châtier au nom de la société, les ignorants ou mal intentionnés qui abusent de leur liberté, pour léze les droits des souverains ; ils doivent donc avoir non seulement la puissance législatrice qui promulgue la loi naturelle, pour amener la sûreté de la société, mais encore, la puissance exécutrice qui ne peut en être séparée.
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Or la puissance de porter la Loi, ne pouvant être séparée de celle de la faire exécuter; le droit de juger ne peut en aucune façon y être réuni, cela se peut démontrer par plusieurs raisons ; car celui qui donne les Loix, n'a pas le temps d'exécuter tous les différents cas qui peuvent survenir, & l'on distingue difficilement la voix du Juge de celle du Législateur devenu le même homme ; en outre, agité de quelque passion, ou chargé d'affaires, s'il porte une Sentence injuste, l'Opprimé n'aura plus la ressource de l'appel.
L'ordre naturel de la société Civile, exige donc des Juges qui, selon la conduite tracée par le Législateur, examinent les différents [sic] qui peuvent s'élever entre les citoyens ou même entre eux & le Prince, en un mot tout ce qui peut troubler l'ordre de la société commune, confié à la garde du Prince, & qui, connoissant bien la cause, portent une Sentence dictée par [195] la Loi. Et comme la vie & la fortune du Citoyen sont sous leur sauvegarde, l'ordre naturel veut, qu'il leur soit permis auparavant d'examiner les loix dont ils sont les interpretes, & d'exiger qu'elles soient conformes aux loix sociales de la nature, car on doit leur imputer la faute des Sentences injustes qu'ils pourroient porter quoique suivant la loi; c'est pourquoi la connoissance des loix naturelles, est nécessaire aux Juges, pour pouvoir établir l'examen dont nous venons de parler; car l'ignorance dans celui qui exerce une charge qui exige l'instruction est un crime considérable, & qui n'a aucune excuse, & pour qu'on puisse juger, si nos Juges sont suffisamment instruits du droit & du devoir des loix de la production, & la distribution des richesses, on doit veiller avec exactitude à l'instruction du peuple, par tous les moyens possibles.
Qu'on ne croye pas, que je veuille avancer que l'autorité des Juges n'a [197] point de rapport avec celle de ceux qui gouvernent ; car comme le Prince jouit du droit de disposer des forces & volontés du Citoyen, tout ce qui leur est utile, & augmente leur population, & leur bonheur augmente en même proportion son pouvoir : mais celui qui gouverne seroit imprudent & très injuste, si dissipant les affections des citoyens qui doivent être réunies dans sa personne, par l'injustice & par crainte, il diminuoit sa propre force & sa dignité ; d'où il est constant que si ceux qui gouvernent se trompent quelque fois dans le but de leur institution, les juges leur sont utiles à eux mêmes, lorsqu'ils leurs présentent les moyens de corriger leurs erreurs.
Mais comme dans une société civile, il existe plusieurs institutions nécessaires qui ne peuvent se soutenir sans dépenses, il est juste, que les Citoyens paient ces dépenses, & c'est à ce payement qu'on a donné le nom d'impôt. Mais cet impôt ne peut être [199] porté arbitrairement ni à volonté, sur les différentes classes des Citoyens ; premièrement on ne peut rien exiger que des choses qui se renouvellent chaque année, & dont le produit est annuel comme l'impôt, & l'impôt ne doit pas être sur toute cette production, on ne doit rien prendre, sur ce qui doit être réservé pour le Cultivateur, pour opérer la reproduction, comme nous l'avons dit plus haut (§ III) & ce qui reste, les avances prélevées, doit être seul la regle de l'impôt; or comme il est évident, que l'objet de l'impôt est la conservation de la liberté & des droits chacun [sic]. Les impôts qui lezent la liberté & des droits, & ainsi diminuent la population, & la richesse des hommes, sont contraires à leur objet, cela se petit dire de beaucoup, comme de ceux sur les personnes, marchandises, dépenses, & aliments ; car ils augmentent les frais de culture, ceux de voiture & de façonnement ; ils font diminuer à proportion la faculté des Acheteurs, de maniere qu'ils ne peuvent suffire ; or les Acheteurs mettent alors un moin-[201]dre prix aux choses d'industrie en raison de l'imposition, & de sa perception couteuse ainsi que du prix intermédiaire du commerce, & de la main d'oeuvre qui prennent le même taux. Les Cultivateurs perdroient en raison de la diminution du prix des marchandises, d'où il s'en suit nécessairement, qu'ils donneroient une moindre culture à la terre alors moins fertile ; la quantité de marchandises, & de jouissances qui y sont attachées du reste en proportion. Mais ou le Cultivateur réparera ses pertes par la diminution des avances primitives & annuelles, le nombre des productions qui repondent aux avances diminuant; ou le Propriétaire direct supportera tout ; ainsi on ne peut se dispenser de convenir que les impositions multipliées sur les personnes, les travaux & la dépense ne causent de grandes pertes par la diminution des prix des marchandises ; qui est-ce qui ne voit pas, qu'il lui eut été plus avantageux de payer sur son revenu, sans aucune des pertes intermédiaires du commerce, la même somme que le [203] Gouvernement exige de lui par des impositions indirectes, si le Propriétaire & le Fermier ont passés un engagement par lequel le dernier est convenu de donner tant chaque année, il ne pourroit pas s'empêcher de diminuer les avances en raison de la perte que lui occasionne la diminution du prix des denrées, l'imposition indirecte & les frais commun [sic] de perperception [sic] ; les avances nécessaires a agriculture diminuant, la quantité des choses produites diminuera en proportion, de là si ce contrat étoit fait pour plusieurs années, la production diminueroit toutes les années,& enfin s'anéantiroit avec le Cultivateur, & non seulement les emphitéotes périroient de cette façon, mais de là s'en suivroit la diminution, de la puissance publique, & finalement la perte du Prince & de tous les Propriétaires, car le temps du contrat fini les emphitéotes instruits à leurs dépens, s'il leur reste encore quelque richesse n'en voudront plus, & d'ailleurs, épuisés le mettroit hors d'état de faire les dépenses nécessaires, alors le pro-[205]priétaire seroit obligé de se charger de toutes les avances, & de s'exposer à toutes les pertes & cas fortuits, & de faire cultiver par des manoeuvres pauvres & ignorants ; & d'ailleurs tous les propriétaires ne se trouveront pas en état de faire les avances, ce qui fera que les gens riches se dégouteront de la propriété & des fonds de terre, & ainsi la production, qui seule payoit l'impôt, diminuant, la population & la félicité de la société & du Prince diminueroit de plus en plus.
D'après ce que nous venons de dire, je crois qu'il est constant que la taxe indirecte des citoyens sous des noms multipliés, est nuisible & contraire aux loix sociales ; c'est donc à nous de recourir aux loix physiques auxquelles doit se conformer la distribution de l'impôt, pour en venir au but que nous nous sommes proposés, & le meilleur est, si le prix des matières premieres n'ôte point la liberté de ceux qui travail[207]lent, telle est l'imposition directe, qui porte sur la portion des revenus que nous avons nommés le produit net, ainsi les avances nécessaires ont un ordre constant qui rapproche la consommation de la reproduction ; mais la proportion entre le revenu du propriétaire & l'impôt, ne doit être déterminée ni par le prince ni par les sujets. Le premier troubleroit par là les droits de propriété, de la défense desquels il s'est chargé, & le dernier, diminueroit peut-être tellement la puissance publique, que la consistance de la république & leur propre sûreté fondée sur la conservation du droit de propriété seroit en danger ; aussi on ne doit point déterminer une quantité fixe d'impôts, car dans une société foible & nouvelle la population peu nombreuse met des bornes aux devoirs & à la dépense du Souverain. Il faut donc rejetter comme absurde, cette politique qui engage les nations petites & pauvres, à avoir un grand nombre de troupes réglées, pour égaler leurs voisins beaucoup plus en état de subvenir aux [209] dépenses qu'elles entraînent. De-là, l'impôt devient arbitraire, & tout leze le droit de propriété, sous prétexte de le défendre, on ne doit donc pas lever l'impôt sur les richesses imaginaires, mais, comme nous l'avons dit, sur le produit net, qui doit seul le supporter. Sans ce principe, tout devient arbitraire dans cette partie, & plusieurs nations, en le négligeant, sont tombées dans une condition si misérable qu'il étoit difficile de décider si la patrie avoir été plus dévastée par l'ennemi, ou par les exactions du fisc. Mais l'impôt doit être modéré de maniere à rendre la condition des cultivateurs, la meilleure de toutes de peur qu'on n'emploie l'argent à d'autres usages que l'on croiroit plus avantageux, & que les bâtiments & les avances utiles à l'agriculture ne restent à faire, car de-là, les revenus diminuant cette portion qui supporte l'impôt diminuera, & ainsi le Prince n'aura plus le pouvoir de conserver la sûreté, & il s'ensuivra la destruction totale. L'imposition directe bien loin même de combatte l'intérêt du [211] propriétaire, conserve les droits de la propriété; car elle donne la pleine liberté de perfectionner l'agriculture, & parconséquent le revenu du propriétaire. C'est pourquoi, cette détermination du revenu qui rend le Souveraîn co-propriétaire d'une portion jugée raisonnable & suffisante pour assurer la sûreté, & qui peut cadrer avec l'état florissant des cultivateurs, est très utile à la nation & à celui qui gouverne : l'utilité pourroit s'en démontrer aussi pour chaque classe de citoyens en particulier ; mais la brieveté de cet exposé, ne nous permet pas d'aller plus loin ; j'ajouterai seulement que l'impôt direct détruit les querelles si fréquentes entre les citoyens & les preposés du fisc, car la portion du Souverain une fois déterminée & approuvée, il n'est plus besoin que d'un Arithméticien pour départir à chacun ce qu'il doit en payer par année.
Par cette maniere de lever l'impôt, [213] la puissance du Souverain, comme nous l'avons dit, est étroitement jointe aux richesses des citoyens & cette jonction, est le principal rempart de l'ordre naturel; il seroit plus difficile de démontrer qu'on puisse en retirer la même utilité dans toutes les formes de gouvernement possibles. Quand le grand ou le petit nombre de ceux à qui la suprême Puissance est confiée, sont tous prudents & justes ; le peuple jouit sous ce gouvernement de la félicité, on trouve quelques exemples de cela dans les Annales; mais quand ils commencent à veiller plutôt à leurs intérêts qu'à ceux du public, où un ou plusieurs riches, veulent être préférés aux autres, ils se joignent à d'autres & il se forme des fonctions, où la république approchant de sa ruine, le peuple se réfugie sur le mont Sacré, pour redemander ses droits, au contraire, il n'est pas croyable qu'un prince qui doit augmenter ses richesses en même jour, à proportion de celles de ses sujets, veuille lezer leurs droits non seulement sans nul avan-[215]tage, mais à son grand détriment & à celui de toute sa race; car cela suppose une action destituée de raison ou plutôt un effet contraire à ses causes.
Fin du sixieme Volume.